La
marine Française ( 1914 )
En
1914, la marine Française était encore sûre de sa puissance,
de son modernisme et de son efficacité. Par son tonnage, en
1885-95, elle avait été au second rang mondial, et ce depuis
pratiquement Louis XIV et Colbert. La Royal Navy était toujours
l'ennemie, et la chose était réciproque, bien que des "réchauffements"
et des collaborations aient eu lieu lors d'interventions plus
ou moins heureuses, en Crimée en 1854, mais aussi durant la
grande guerre aux Dardanelles et encore plus tard à Suez en
1957.
Les
deux marines pouvaient encore êtres comparées en 1914, mais
les experts navals regardaient plutôt vers les trois grandes
puissances montantes, le Reich Allemand, les USA et le Japon.
La Russie arrivait en 1905 à la troisième place derrière la
France mais en l'espace de quelques années, l'équilibre s'était
singulièrement transformé.
La
marine Française, depuis 1850, en encore en 1855 et en 1860,
montra l'exemple au monde et fut une pionnière en matière
de technologies navales. On lui doit notamment le vaisseau
de ligne ( 3 ponts ) mixte, avec le Napoléon, le premier submersible
viable, le Plongeur, la batterie cuirassée et enfin le cuirassé
au sens propre. Un état d'esprit influencé largement par l'idéologie
Républicaine, le positivisme, la grande confiance dans les
sciences. La Grande-Bretagne, omnipotente, était beaucoup
plus conservatrice. Néanmoins elle se rangea sur les exemples
Français et suivit le mouvement. Si la politique navale Française
fut rationnelle sous napoléon III, en globalement jusqu'en
1890, la situation se dégrada, et l'on vit apparaître ce que
l'on appelle familièrement la "marine de prototypes". La valse
des cabinets ministériels et donc des secrétariats à la marine
y étaient pour beaucoup dans les volte-face des choix techniques
et des orientations, mais aussi le confiance aveugle dans
les théories révolutionnaires de la Jeune école, ce qui conduisit
à délaisser la construction en série de cuirassés pour s'orienter
vers une marine basée sur les torpilleurs; qui d'ailleurs
furent excellents, et ce toujours afin de contrer l'énorme
potentiel d'unités lourdes de la Royal Navy.
Il
était temps de mettre un point d'arrêt aux expérimentations
à tous crin, et de revenir à une flotte traditionnelle standardisée:
Ce qui fut fait à partir de 1904, et de la signature de l'entente
cordiale entre les deux vieux ennemis. La France pouvait alors
se tourner vers la défense de son empire colonial et mieux
prendre en considération les menaces montantes en méditerranée,
notamment la flotte Austro-Hongroise. Mais engoncée dans ses
certitudes, son instabilité et un certain gaspillage des deniers
publics, la situation de la marine était au plus bas. C'est
en 1906, la première fois depuis longtemps que la Grande-Bretagne
prenait un avantage technologique en présentant le Dreadnought.
Mais la poursuite des anciens plans navals fit que les navires
mis en chantiers encore jusqu'en 1908 étaient déjà périmés,
et en 1910, la marine Français n'avait toujours ni dreadnoughts
ni croiseurs de bataille, mais une collection de cuirassés
anciens et de croiseurs cuirassés lents et mal protégés. Les
seuls progrès palpables concernaient les classes homogènes
de cuirassés de la classe Patrie, république et Danton, mais
qui arrivaient trop tard.
En
1909, l'Amiral Boué de Lapeyrère, qui avait eu tout le loisir
de décrier l'incurie qui avait fait chuter la France au quatrième
rang naval, arriva au ministère et réussit à faire passer
son plan massif de réarmement de la marine, axé sur la modernisation
rapide de la flotte. Ce plan, qui fut voté en 1912, prévoyait
la construction de 28 cuirassés dreadnought, 10 croiseurs
légers rapides ( éclaireurs ), 52 destroyers 94 submersibles
et 10 canonnières et corvettes, ce plan devant trouver son
achèvement en 1920, mais il fut brusquement arrêté en août
1914. Le plan comprenait les cuirassés classe Courbet, Bretagne,
Normandie et Lyon, les derniers devant être achevés entre
1916 et 1918-19. Les premiers adoptaient le calibre "standard"
de 305 mm, les seconds 340 et les derniers 356 mm, alors même
qu'à la même date la plupart des marines passaient au 380
et au 406 mm. Les deux premières classes furent achevées à
temps pour être lancées au feu, mais les autres pâtirent des
conséquences du traité de Washington.
En
Août 1914, la France rentrait avec une marine encore composée
majoritairement de bâtiments anciens et dépareillés, mais
ses équipages étaient bien entraînés et d'un excellent moral,
malgré la piètre considération de la marine qui passa toujours
en second derrière l'armée de Terre. la meilleurs peuve en
était que dès les premiers moins de la guerre, et sans que
le plan soit annulé, les ouvriers des chantiers navals rejoignirent
le front, et ces derniers furent reconvertis pour la production
de canons et d'obus. Le plan devait donc reprendre en 1918,
mais à cette date, toute la stratégie navale avait été bouleversée
et les navires prévus étaient déjà quelque peu dépassés dans
leur conception.
Navires
de ligne:
Les effectifs comprenaient 25
cuirassés, dont les 4 dreadnoughts de la
classe Courbet,
le dernier, le Paris étant alors en cours d'essai lors
de l'attentat de Sarajevo. Les trois Bretagne étaient
alors en cours de construction. Le reste des efectifs était
constitué de pré-dreadnoughts, les 6 Danton
( 1909-1910 ), les 3 Liberté ( 1904-05 ), les 2 République
( 1903 ). ( Le Liberté avait été coulé en 1911 suite
à une explosion de chaudière, et le Iéna pour les mêmes
raisons en 1907. ) Au delà se trouve le domaine de la "collection".
Aucun navire ne peut en effet formellement être rattaché à
une classe particulière tant ils divergent sur le pan de l'armement,
des machines, du blindage, des arrangements de superstructures...
On trouve le Suffren
( 1899 ), les trois Charlemagne
( à peu près similaires, 1896 ), le Bouvet
( 1896 ), le Masséna (1895 ), le Jaureguiberry
( 1893 ), le Carnot ( 1894 ), le Charles Martel
( 1893 ), le Brennus ( 1891 ), et des navires versés
dans la réserve, Marceau, Magenta, Neptune,
Hoche ( 1886-1890 ), et donc non comptabilisés, mais
entretenus et exploitables au cas où...
Croiseurs-Cuirassés:
La
flotte Française disposait en 1914 de 19
croiseurs-cuirassés, toutefois beaucoup
plus vulnérables que leur nom le laissait supposer,
surtout en matière de protection sous-marine. La plupart
conçus avant l'entente cordiale, ils étaient destinés à mener
une guerre de course contre le trafic marchand Britannique.
Il y en avait 19 en service, de classes plus homogènes. Ce
sont les deux Edgar
Quinet ( 1907 ), l'Ernest Renan
( 1906 ), le Jules Michelet
( 1905 ), les trois Gambetta
( 1901-03 ), les quatre Gloire
( 1900-1902 ), les trois Dupleix
( 1900-02 ), les trois Gueydon
( 1900 ), la Jeanne d'Arc (
1899 ), le Pothuau ( 1895 ); Les trois Amiral
Charner ( 1892-94 ) étant en réserve, et le Dupuy
de Lôme.
Croiseurs
protégés:
Les
effectifs réels de ce type de navire faisaient état de 10
croiseurs protégés. Ils étaient assez
anciens pour la plupart ( d'avant 1900 ) et surtout assez
hétérogènes, certains survivant de classes de trois unités.
On comptait en 1914, le Jurien
de la Gravière ( 1899 ), le d'Estrées,
le Châteaurenault
, le Guichen, le
d'Entrecasteaux,
les Cassard et Du Chayla, le Descartes. Le Friant
était en réserve, de même que les Lavoisier, Cosmao
et Surcouf, en théorie trop anciens pour servir efficacement
( 1888-92 ), Mais le Friant et le Lavoisier figuraient pourtant
aux effectifs d'active.