Le
dispositif de la Royal Navy se basait sur les cuirassés
de la Grand Fleet, notamment ses escadres rapides de dreadnoughts,
aux ordres du commodore Jellicoe, et en "reconnaissance",
les escadres rapides de croiseurs de bataille de David
Beatty de la Home Fleet, venant de Rosyth. C'est ceux-ci
qui rencontrèrent à 2h00 la "pointe"
du dispositif Allemand incarné par Hipper. Le premier
navire à apercevoir les Allemands fut le croiseur
léger Galatea, il eut le temps de tirer quelques
obus avant de se replier devant la menace des 280 mm des
navires de ligne de Scheer. Ce dernier disposait ses cinq
unités principales ( Lützow,
Derfflinger,
Seydlitz,
Moltke
et Von
Der Tann ) en ligne, encadrée par plusieurs
croiseurs légers et torpilleurs de haute mer. En
face, Beatty disposait des Lion,
Princess
Royal, Queen
Mary, Tiger,
New
Zealand et Indefatigable
en deux colonnes parallèles, escortées et
précédées par des croiseurs cuirassés
et légers et encadrés par des destroyers.
Le jeune et bouillant contre-amiral Horace Hood ("The
Hon") de son côté, disposait de 3 croiseurs
de bataille ( dont l'Invincible,
portant sa marque, l'Indomitable
et l'Inflexible,
ainsi que 8 croiseurs cuirassés dont les formidables
Defence,
Warrior,
Black
Prince et Duke
of Edinburgh, commandés par le contre-amiral
Robert Arbuthnot. ).
Sur
le papier, la supériorité en artillerie
britannique était patente ( des pièces de
305 et 343 contre 280 et 305 ). De plus, les systèmes
de visée automatique perfectionnés étaient
bien rôdés, contrôlés par le
firing director qui les synchronisaient efficacement.
Mais rapidement, les faits allaient démontrer la
supériorité Allemande: Bien que disposant
d'une artillerie plus modeste mais d'instruments optiques
également performants, les Allemands utilisèrent
rapidement une technique de tirs en échelon, afin
de rapprocher chaque salve, et surtout se distinguaient
par une cadence de tir nettement plus élevée,
presque du double, contrepartie d'un calibre inférieur.
Les Anglais de leur côté avaient adopté
une technique plus progressive, avec des tirs d'une pièce
par tourelle, et une bordée complète lorsque
la bonne distance semblait trouvée. Mais ceci impliquait
le temps de recharge de plusieurs pièces, les Allemands
tirant eux en continu. Par ailleurs, comme il fut démontré
en étudiant les navires impliqués dans la
bataille et réparés en cale sèche,
les bâtiments Allemands encaissèrent certainement
plus de coups, du fait d'une meilleure précision
Anglaise mais la moitié des obus Anglais avaient
une malfonction et n'explosaient pas. De leur côté
les anglais perdirent leurs croiseurs de bataille suite
à des incendies communiqués trop rapidement
à leurs soutes à munition à cause
de leur cordite ( gaz d'échappement des canons,
résidu des douilles ) hautement explosive qui stagnait
dans des compartiments mal ventilés. Enfin, la
qualité du blindage Allemand est sans doute l'explication
la plus plausible quand au chiffre des pertes étonnamment
faibles de la Hochseeflotte face à un véritable
déluge de feu.
Globalement, l'engagement
fut bref, indécisif, Hipper repliant ses navires
comme prévu sur Scheer. A 3h45 cependant la bataille
entre les deux avant-gardes faisait rage. Jellicoe décida
d'envoyer Hood en renfort avec d'autres croiseurs de bataille.
La disposition des navires Britanniques faisait que malgré
la fumée du charbon, les gerbes et la fumée
des tirs, gênant la visibilité des deux adversaires,
la silhouette des navires Britanniques se découpait
sur l'horizon, permettant aux Allemands de mieux concentrer
leurs tirs. Rapidement la plupart des navires de Beatty
furent en difficulté, encaissant des coups, jusqu'à
la destruction du HMS Indefatigable. Puis ce fut
le tour du Queen Mary. Les ordres de Beatty par
ailleurs, furent mal interprétés, ce dernier
enjoignant de concentrer les tirs de deux premières
unités sur le croiseur de bataille N°1 de la
flotte Allemande, ( mais la situation était inversée
pour les commandants Britanniques et la confusion s'installa
). La vieille technique de Nelson consistant à
obtenir une supériorité locale ne fonctionna
pas.
De leur côté,
c'est également une méprise qui eut paradoxalement
raison du croiseur de bataille Anglais Queen Mary:
Deux des navires Allemands concentraient leur tirs sur
lui, appliquant involontairement à la lettre la
tactique de Nelson. Les anglais étaient également
trompés par le croiseur léger placé
à l'avant de la ligne qui dégageait une
fumé prise pour celle d'un croiseur de bataille.
Or, le croiseur léger était nettement plus
petit et donc plus difficile à toucher, et de précieux
obus gaspillés tandis que des navires Allemands
étaient épargnés. Beatty ne renonça
pas pourtant à son plan se rapprocha encore des
Allemands. Ces derniers, pourtant avantagés par
la portée plus réduite de leurs pièces,
( le tir s'effectuait à moins de 16 000 mètres
) furent à leur tour en difficulté avant
de revenir à l'avantage par l'arrivée au
grand galop de Scheer. Les lignes de cuirassés
de ce dernier furent cependant détectées
par un navire, aventuré à l'avant-garde
de sa propre flotte, le HMS Southampton. Il s'empressa
de télégraphier la nouvelle à Jellicoe.
Le piège de Scheer était éventé,
et Beatty avait réussi par son sacrifice à
immobiliser toute la flotte Allemande tandis que Jellicoe
arrivait pour envelopper la Hochseeflotte.
Au beau milieu de cette confrontation,
un grand voilier blanc surgit de nulle part, et traversa
tel un fantôme cet enfer de Dante peuplé
de colosses gris vomissant des torrents de fumée
noire, dans une forêt d'écume. Les matelots
des deux camps étaient stupéfaits car le
navire traversa la zone qui se trouvait entre les deux
ligne de batailles, sans émettre le moindre signal,
s'éloigna et disparut. Bien évidemment,
quelques marins des deux camps affirmèrent plus
tard qu'ils s'agissait d'un présage de victoire,
d'autres au contraire de défaite, certains le prenant
pour le mythique "Hollandais volant"...Suite
Voir
une carte animée de la bataille.