L'escadre
Allemande d'extrême-Orient s'apprête à
quitter Valparaiso le 3 novembre 1914, après la bataille.
( Image TDP - Wikipedia ).
En dehors de l'affrontement à Héligoland,
somme toute limité dans ses résutats, la première
bataille de Coronel resta la plus grande survenue avant
la fin de l'année 1914. Elle avait pour acteur un
aristocrate Prussien de la vieille école, devenu
un héros national dans son pays après son
épopée à l'autre bout du monde: Le
comte ( Graf ) Maximilian Von Spee. Cet homme, né
au Danemark en 1861 et qui passa presque toute sa carrière
en Afrique était devenu contre-amiral à 49
ans. Il en avait 53 lorsqu'il allait livrer en quelques
mois les deux batailles de sa vie. Promu Vice-amiral en
1912 il se vit confier l'escadre d'extrême-Orient,
composée de navires pour partie désuets, des
croiseurs-cuirassés et croiseurs légers, basés
à Tsing Tao, le vieux comptoir commercial Allemand
en Chine. En juin 1914, loin des bruits de guerre, l'équipage
des deux croiseurs-cuirassés était tout à
l'enthousiasme d'une belle croisière dans les eaux
turquoise du pacifique sud. Puis par TSF, il se voit demander
de revenir à la colonie. Au moment de la déclaration
de guerre, tout ce qui n'était pas nécéssaire
au combat fut débarqué, et les croiseurs qui
en avaient le temps devaient être repeints en deux
tons de gris, troquant leur belle livrée coloniale
blanche et chamois. Mais le rique était sérieux:
l'escadre ne pouvait rester sur place de peur de se voir
détruire au mouillage ou retenu et interné
en rade par les flottes alliées coalisées,
Anglais, Australiens, Russes et Japonais.
Le comte Von Spee,
commandant l'escadre Allemande d'extrême-Orient et
l'amiral Sir Charles Cradock.
Il prépara l'appareillage d'une partie de son escadre,
qui comprenait alors les deux croiseurs-cuirassés
de la classe Scharnhorst
( Scharnhorst et Gneisenau ), les croiseurs
légers Nürnberg,
deux Dresden
( Dresden et Emden ), et le vieux Leipzig.
Le reste de l'escadre comprenait des navires de moindre
tonnage, quatre canonnières de la classe IItis,
et trois canonnières fluviales, les Tsingtau,
Otter et Vaterland,
le torpilleur S90 et le ravitailleur Titania.
Après avoir réuni tous les officiers dans
le carré du Scharnhorst qui portait sa marque,
il discuta des meilleurs options possible. Il pouvait tenter
de rentrer en Allemagne et ajouter ses forces à la
Hochseeflotte, mais le rique était bien trop grand
eu égard à la proximité de la Grand
Fleet et à plusieurs routes étroitement surveillées
aux abord de la mer du Nord. Il pouvait aussi tenter d'entreprendre
une guerre de corsaire pour affaiblir le trafic allié
sur toutes les mer du globe, en particulier dans l'hémisphère
sud mal défendu. Cette option semblant la moins risquée
et la plus prometteuse, et éventuellement passer
le cap Horn et porter la guerre en Atlantique. C'est un
véritable convoi de plus de vingt navires qui avait
pris forme, en comptant les 5 croiseurs ( l'Emden
s'était détaché du groupe le 14 août
pour livrer sa propre guerre de course dans l'océan
indien et faire diversion ). Von Spee mesurait les risques
pris: Il traversait le pacifique sud, immense, mais à
10 noeuds pour économiser le charbon et il devait
rester au rythme des plus vieux vapeurs civils.
Mais à bord des navires Allemands, les marins rêvent
d'en découdre. Von Spee confère encore avec
les officiers et décide de tenter un raid sur les
îles Samoa avec ses deux croiseurs-cuirassés,
fraîchement occupée par les Britanniques, où
l'on espère trouver quelques bâtiments Anglais
au mouillage. Il survient à l'aube du 14 septembre,
mais pour constater que la rade d' Apia est vide et que
le drapeau Anglais flotte sur la ville. En dehors d'un bombardement
qui nuirait plus à ses concitoyens occupés
qu'aux troupes Britanniques, il ne peut envisager sérieusement
de reprendre la ville avec ses seules troupes de marines.
A contrecoeur, il se résoud à changer de cap
et décide de rejoindre Tahiti afin de bombarder Papeete
où réside quelques navires Français.
Il y parvient le 22 septembre, à l'aube. Les navires
Allemands ne sont pas attendus, mais les deux croiseurs-cuirassés
doivent manoeuvrer entre les hauts fonds pour se présenter
en ligne de bataille, et les Français évacuent
la ville et préparent les maigres "batteries
côtières" disponibles: Ce sont celles
de la canonnière Zélée, un élégant
navire mixte, qui ont étées débarquées
et placées à terre et camouflées. Elles
tirent quelques coups de semonce, mais se taisent pour éviter
d'être repérées lorsque les deux bâtiment
Allemands répliquent avec leur artillerie lourde.
Von Spee pense cette fois faire débarquer une compagnie
de marine, étant donné qu'il pense avoir affaire
à une faible garnison - ce qui est vrai. Les Français
tentent alors de saborder la Zélée en travers
de la passe, et celle-ci est coulée, tout en l'obstruant.
Les tirs longs tombent dans la ville, en proie à
l'incendie. Von Spee se rend compte qu'il ne pourra plus
débarquer ses troupes, ravitailler en charbon et
en vivres, et se retire.
Son objectif final reste de rejoindre le Chili, de s'y
ravitailler, puis de passer le cap Horn avant de s'engager
dans une guerre au commerce bien plus fructueuse dans l'Atlantique.
Les Britanniques, qui reçurent le signalement de
l'escadre après des escales, se préparent
donc à lui barrer la route. Laissant le reste du
convoi et s'être ravitaillé largement, les
trois croiseurs légers Allemands ( Nürnberg,
Leipzig, Dresden ), rejoignent les deux croiseurs-cuirassés.
Très loin de là, à Port Stanley, aux
îles Malouines, une escadre attend les ordres du contre-amiral
Sir Christopher Cradock ( qui inspira Hergé pour
son fameux capitaine Haddock ). Surnommé le "vieux
Gentleman", c'est lui aussi un vieil aristocrate raffiné,
que Von Spee avait bien connu personnellement lors de ses
escales en temps de paix. Les deux hommes se connaissent
et se respectent. Mais chacun à ce moment s'apprête
à faire son devoir. L'escadre de Cradock est la seule
qui peut s'opposer aux navires Allemands. Elle se compose
du croiseur-cuirassés Good
Hope, du Monmouth,
du croiseur léger Glasgow
et du croiseur auxiliaire Otranto. Ce dernier est
un paquebot converti en transport, moins rapide que les
autres navires de la flotte. Malheureusement, cette escadre
comprenait également le vieux cuirassé Canopus,
mais ce dernier dont la chauffe est longue, n'appareillera
que plus tard. Qui plus est, il ne pouvait faire que 12
noeuds et se fera largement distancer.
Le Scharnhorst -
Cliquez p. agrandir.
Cradock est informé depuis le début du mois
d'octobre de l'imminence de l'arrivée des Allemands.
Il demande alors à l'amirauté des renforts,
qu'on lui refuse: Les autres navires doivent êtres
gardés en réserve de l'autre côté
du Cap Horn, au cas où celle-ci passait en force.
Mais l'amiral ne se fait guère d'illusion sur son
sort: Il fait creuser un "tombe" dans le jardin
du gouverneur des malouines et y dépose ses médailles,
sachant que sa sépulture probable serait au fond
de la mer. Il rédige son testament, fait ses adieux
à sa famille et le landemain, s'embarque sur le Good
Hope. Son escadre appareille le 22 octobre, met le cap
au sud-ouest, passe le cap Horn, puis met le cap au nord.
Il sait alors que les Allemands disposent de deux croiseurs-cuirassés,
mais entre-temps l'escadre fut renforcée des trois
autres croiseurs. Cela leur donne un net avantage: Le Good
Hope dispose sur le papier de pièces plus puissantes
( 240 mm ) mais ils sont anciens et ne peut offrir qu'une
salve pour deux Allemandes. Quand au Monmouth, il
est l'un des croiseurs-cuirassés les moins protégés
de la Royal Navy, une expérimentation malheureuse
imposée par des coupes budgétaires. Le Glasgow
est assez bien armé et rapide, mais moins efficace
dans le gros temps, et enfin l'Otranto n'a presque
aucune valeur militaire. Pire, ses navires sont composés
d'équipage de réservistes hâtivement
mobilisés et insuffisamment formés ( Suite
)...