Le
travail de draguage des mines était difficile, Anglais
comme Français. Il faut dire que les dragueurs Anglais
en question étaient des chalutiers réquisitionnés
et transformés sommairement, avec un équipage
pour partie composé de civils et d'officiers. Ils
disposaient à l'arrière dune cisaille qui
coupaient les orins des mines ( immergées à
quelques mètres sous la surface ), et celles-ci remontaient
à la surface et étaient tirées au canon
ou dynamitées. L'offensive piétinait, et le
4, on convia le Queen Elisabeth à bombarder
de ses grosses pièces depuis Gaba Tepe, dans le Golfe
de Saros, les forts des défenses intérieures.
Le 8 mars, de nuit, le Nusret mouilla un champ de
25 mines parallèle à la côte, dans la
baie d'Erin Keui. On avait observé que les navires
Britanniques sortant de la baie tournaient à babord,
ce qui les menait droit dans un champ judicieusement placé,
comme ce qui allait être démontré: Dans
la nuit du 13 mars, le croiseur Amethyst menant 6
dragueurs, tenta d'éclaircir les premiers champs
de mines de la baie. Mais la nuit, c'était un travail
encore périlleux, et les forts turcs alertés
ajoutèrent à la confusion. Au total 4 dragueurs
furent litéralement criblés par les petites
pièces de campagne du rivage et leurs équipages
sévèrement touchés, et l'Amethyst
échappa de peu à la destruction après
avoir été touché par un gros calibre.
Churchill recevant ces premiers rapports, fit relever Carden
de son commandement, remplacé par le contre-amiral
John de Robeck. Ce dernier avait en vue une offensive générale
de toute la flotte afin d'en finir...
-L'offensive du 18 Mars:
Le point culminant de l'offensive contre les Dardanelles
aura lieu à partir du 18 mars: Le contre-amiral John
de Robeck, portant sa marque sur le Vengeance, mobilisa
pas moins de 3 lignes comprenant successivement les Queen
Elisabeth, Nelson, Agamemnon et Inflexible (
portant la marque de Carden ), en seconde ligne les 4 cuirassés
Français ( dont le Suffren portant la marque du contre-amiral
Guépratte ) et les Vengeance, Irresistible, Albion
et Ocean Britanniques en troisième ligne,
et en soutien sur les flancs les Majestic, Prince Georges,
Swiftsure et Triumph, avec en réserve
les Canopus et Cornwallis. L'objectif était
de museler les défenses encadrant les 5 premiers
champs de mines. La Royal Navy utilisait ainsi à
bon compte ses vieux pré-dreadnoughts rendus obsolètes
par l'évolution des cuirassés, et peu utiles
à la Grand Fleet. De 11 heures à 13h25, un
feu roulant continu réussit à gêner,
voir museler les forts turcs visés. La tâche
n'était pas aisée. Les grosses pièces
étaient bien protégées par de massifs
ouvrages bétonnés, tandis que plus de 50 pièces
de lcalibre inférieur étaient remarquablement
cachées dans les contreforts de la côte, ne
laissant voir qu'un embrasure recouvertes de branchages.
Des tubes lance-torpilles et des projecteurs étaient
également cachés pour les offensives de nuit,
et des fausses batteries établies bien en évidence.
Par ailleurs, les canons de marines tiraient en tir tendu,
et les batteries basses offrant peu de surface frontale
étaient difficilement destructibles. Dans la plupart
des cas, c'étaient les débris qui obstruaient
l'embrasure et gênaient les tirs Turcs mais les canons
eux-même ne furent neutralisés qu'avec le débarquement
de compagnies de marine. Le 17 enfin, le Nusret revient
dans la baie et mouille les dernières mines disponibles.
Le
bombardement des deux côtés fut sévère,
mais les tirs Turcs ne se firent pas aussi précis.
Le fort de Rouméli-Medjidieh notamment avait tenu
particulièrement longtemps. Les Suffren, Gaulois,
Agamemnon et Inflexible souffrirent d'impacts
sévères. Pour l'anecdote, un orchestre joua
sur le pont arrière du Suffren pendant plus d'une
heure, avant que l'intensité des tirs ne deviennent
dangereux... Plus tard, il recevra un obus de 240 mm qui
traversera la tourelle de 164 mm par la fenêtre de
visée de la casemate, décapitant l'officier
de tir, puis entrera dans la salle aux gargousses, mettant
le feu à 200 kgs de poudre B. Un retour de famme
ira brûler vif tous les servants de la tourelle. Le
central de tir avait été de son côté
dévasté par un obus et toutes les communications
internes coupées. Pire, une gargousse de 164 mm tomba
dans la caisse de la soute aux poudres, où 6 tonnes
sont présentes. Les 6 servants l'évacuent
non sans avoir ouvert les vannes pour la noyer. Lannuzel
resta dedans pour bien vérifier le remplissage, et
s'y noya. Enfin, un autre gros calibre viendra exploser
dans la cheminée et détruire les ventilateurs.
En quelques minutes la chambre de chauffe en soute vit sa
température dépasser les soixante degrés
et les hommes s'écrouler à leur poste... Quand
au Bouvet, le marbec ( extracteur des gaz brûlés
de l'âme des canons ) de la tourelle avant était
tombé en panne, les servants avaient étés
asphyxiés. Sur l'Inflexible, les ervants des tourelles
avaient aussi étés tués. De Robeck
décida alors de retirer les cuirassés et de
faire passer en avant sa seconde ligne assistés des
Swiftsure et Majestic.
Le Bouvet en train
de sombrer. ( Image Wikipedia DP ).
C'est
alors qu'en se retirant après deux heures de tirs
presque interrompus de son seul canon arrière, alors
que le Suffren, le Gaulois et le Charlemagne
s'étaient déjà retirés, et en
virant à tribord ( à droite ), le Bouvet
heurta à 13h54 une mine posée par le Nusret.
Sa coque non protégée fut ouverte, déchirée
sur sa longueur et sa gîte devint importante très
rapidement. En 45 secondes, le navire ( voir photo ), tout
en avançant, se couchera sur le flanc, puis chavirera
par l'arrière, coulant verticalement ensuite, proue
en l'air. Il emportera avec lui le commandant, 23 officiers
et 619 marins. 47 rescapés seront recueillis par
le destroyer Britannique Mosquito, sous les tirs
Turcs. Ce ne fut pas la première perte: Vers 16 heures,
le HMS Inflexible, durement touché, vira aussi
sur tribord en se retirant, et vint donner dans le même
champ de mines que le Bouvet. L'explosion tua 60
hommes et en blessa une centaine, certains furent noyés
du fait de la fermeture automatique des cloisons touchées.
Grâce à sa protection moderne, le croiseur
de bataille, donnant de la bande, s'éloigna à
petite vitesse de la baie et parvint à s'échouer
sur un banc de sable de l'île de Tenedos.
Le
cuirassé HMS Irresistible, à son tour,
heurta une mine en se retirant toujours à tribord
( la configuration de la baie et le rayon giratoire de ces
mastodontes ne laissait pas d'autre choix ). Ses compartiments
machines furent inondés, mais les fuites contenues
grâce à une évacuation rapide, aux paillets
apposés et aux cloisonnage multiple. Cependant, la
pression sur ces cloisons et les infiltrations non maîtrisées
rendaient certaines son chavirage prochain. Alors que son
équipage s'apprêtait à l'évacuer,
le HMS Ocean se rapprocha de lui pour le prendre en remorque.
Les hauts-fonds du rivage rendaient l'opération dangereuse,
et vers 18 heures, il heurta une mine à son tour
au niveau du gouvernail. Désormais, il devenait incontrôlable
et commençait également à se remplir.
Les deux bâtiments se retrouvaient immobilisés,
à la merci des canons Turcs, qui contre toute attente
s'étaient pratiquement tus, à cours de munitions.
De la "poussière navale" vint secourir
les naufragés, et on évacua la zone en hâte
avec le soir tombant. Pensant que les navires puvaient toujours
être à flot, et éventuellement récupérés
par les Turcs, un destroyer fut envoyé pour les torpiller
de nuit, les chercha 4 heures, mais ne vit rien. Les navires
avaient coulé. Le bilan de la journée avait
étée un triomphe pour l'empire Ottoman qui
venait de faire subir à la Royal Navy les pires pertes
de son histoire depuis Trafalgar.
-Les débarquements ( 25 - 27 - 28
avril 1915 ):
Cet
échec ne retomba pas sur De Robeck, car Churchill,
assumant pleinement ses responsabilités eut à
s'en expliquer seul devant la chambre des communes. Désormais
on allait, plutôt que de persévérer
dans cette voie, tenter de prendre les forts à revers
par des troupes débarquées sur des sites estimés
sans défense. Le 22 février, 70 000 hommes
furent rassemblés sous le commandement de Sir Ian
Hamilton, formant la MEF ( Mediterranean expeditionnary
force ). Les préparatifs durèrent un mois.
Les Turcs qui s'attendaient à cette offensive choisirent
judicieusement les points les plus favorables à une
opération amphibie et les fortifièrent avec
des lignes de tranchées, barbelées, nids de
mitrailleuses, mortiers et casemates soutenus par des Howitzers.
Un premier débarquement était prévu
sur le cap Helles, les troupes devant franchir 11 km et
atteindre le plateau de Kilitbahir qui commandait la presqu'île,
et ultérieurement la ville de Krithia et la colline
d'Achi Baba sur laquelle des pièces d'artillerie
lourde devaient êtres acheminées.
Le
jour J, le 25 avril, Trois cuirassés débarquèrent
la première vague, suivis par les destroyers Usk,
Ribble, Chelmer, Scourge, Foxhound, Colne et Beagle,
assistés et couverts par les grosses pièces
des HMS London, Prince of Wales et Queen,
et du Majestic et Triumph, du Bacchante
en arrière, les troupes prenant place sur des chaloupes.
Un erreur avait étée commise sur le lieu du
débarquemement qui s'effectua plus au nord, dans
un lieu appelé actuellement "la Crique Anzac".
De triste mémoire, puisque malgré les nombreuses
troupes débarquées, les lignes Turques tinrent
bon et infligèrent des pertes effroyables à
la 29e division et aux troupes du Commonwealth, qui n'avancèrent
que mètre par mètre. Le tir des cuirassés
se fit peu heureux, malgré la présence des
hydravions de l'Ark Royal et les ballons du Manica qui devaient
assurer la correction des tirs. Les premières lignes
seront finalement prises au soir...