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La campagne des Dardanelles - Suite ( 1915-16 )

Le HMS Canopus bombardant les forts en mars 1915. ( Image Wikipedia DP )

Le travail de draguage des mines était difficile, Anglais comme Français. Il faut dire que les dragueurs Anglais en question étaient des chalutiers réquisitionnés et transformés sommairement, avec un équipage pour partie composé de civils et d'officiers. Ils disposaient à l'arrière dune cisaille qui coupaient les orins des mines ( immergées à quelques mètres sous la surface ), et celles-ci remontaient à la surface et étaient tirées au canon ou dynamitées. L'offensive piétinait, et le 4, on convia le Queen Elisabeth à bombarder de ses grosses pièces depuis Gaba Tepe, dans le Golfe de Saros, les forts des défenses intérieures. Le 8 mars, de nuit, le Nusret mouilla un champ de 25 mines parallèle à la côte, dans la baie d'Erin Keui. On avait observé que les navires Britanniques sortant de la baie tournaient à babord, ce qui les menait droit dans un champ judicieusement placé, comme ce qui allait être démontré: Dans la nuit du 13 mars, le croiseur Amethyst menant 6 dragueurs, tenta d'éclaircir les premiers champs de mines de la baie. Mais la nuit, c'était un travail encore périlleux, et les forts turcs alertés ajoutèrent à la confusion. Au total 4 dragueurs furent litéralement criblés par les petites pièces de campagne du rivage et leurs équipages sévèrement touchés, et l'Amethyst échappa de peu à la destruction après avoir été touché par un gros calibre. Churchill recevant ces premiers rapports, fit relever Carden de son commandement, remplacé par le contre-amiral John de Robeck. Ce dernier avait en vue une offensive générale de toute la flotte afin d'en finir...

-L'offensive du 18 Mars:
Le point culminant de l'offensive contre les Dardanelles aura lieu à partir du 18 mars: Le contre-amiral John de Robeck, portant sa marque sur le Vengeance, mobilisa pas moins de 3 lignes comprenant successivement les Queen Elisabeth, Nelson, Agamemnon et Inflexible ( portant la marque de Carden ), en seconde ligne les 4 cuirassés Français ( dont le Suffren portant la marque du contre-amiral Guépratte ) et les Vengeance, Irresistible, Albion et Ocean Britanniques en troisième ligne, et en soutien sur les flancs les Majestic, Prince Georges, Swiftsure et Triumph, avec en réserve les Canopus et Cornwallis. L'objectif était de museler les défenses encadrant les 5 premiers champs de mines. La Royal Navy utilisait ainsi à bon compte ses vieux pré-dreadnoughts rendus obsolètes par l'évolution des cuirassés, et peu utiles à la Grand Fleet. De 11 heures à 13h25, un feu roulant continu réussit à gêner, voir museler les forts turcs visés. La tâche n'était pas aisée. Les grosses pièces étaient bien protégées par de massifs ouvrages bétonnés, tandis que plus de 50 pièces de lcalibre inférieur étaient remarquablement cachées dans les contreforts de la côte, ne laissant voir qu'un embrasure recouvertes de branchages. Des tubes lance-torpilles et des projecteurs étaient également cachés pour les offensives de nuit, et des fausses batteries établies bien en évidence. Par ailleurs, les canons de marines tiraient en tir tendu, et les batteries basses offrant peu de surface frontale étaient difficilement destructibles. Dans la plupart des cas, c'étaient les débris qui obstruaient l'embrasure et gênaient les tirs Turcs mais les canons eux-même ne furent neutralisés qu'avec le débarquement de compagnies de marine. Le 17 enfin, le Nusret revient dans la baie et mouille les dernières mines disponibles.

Le bombardement des deux côtés fut sévère, mais les tirs Turcs ne se firent pas aussi précis. Le fort de Rouméli-Medjidieh notamment avait tenu particulièrement longtemps. Les Suffren, Gaulois, Agamemnon et Inflexible souffrirent d'impacts sévères. Pour l'anecdote, un orchestre joua sur le pont arrière du Suffren pendant plus d'une heure, avant que l'intensité des tirs ne deviennent dangereux... Plus tard, il recevra un obus de 240 mm qui traversera la tourelle de 164 mm par la fenêtre de visée de la casemate, décapitant l'officier de tir, puis entrera dans la salle aux gargousses, mettant le feu à 200 kgs de poudre B. Un retour de famme ira brûler vif tous les servants de la tourelle. Le central de tir avait été de son côté dévasté par un obus et toutes les communications internes coupées. Pire, une gargousse de 164 mm tomba dans la caisse de la soute aux poudres, où 6 tonnes sont présentes. Les 6 servants l'évacuent non sans avoir ouvert les vannes pour la noyer. Lannuzel resta dedans pour bien vérifier le remplissage, et s'y noya. Enfin, un autre gros calibre viendra exploser dans la cheminée et détruire les ventilateurs. En quelques minutes la chambre de chauffe en soute vit sa température dépasser les soixante degrés et les hommes s'écrouler à leur poste... Quand au Bouvet, le marbec ( extracteur des gaz brûlés de l'âme des canons ) de la tourelle avant était tombé en panne, les servants avaient étés asphyxiés. Sur l'Inflexible, les ervants des tourelles avaient aussi étés tués. De Robeck décida alors de retirer les cuirassés et de faire passer en avant sa seconde ligne assistés des Swiftsure et Majestic.

Le Bouvet en train de sombrer. ( Image Wikipedia DP ).

C'est alors qu'en se retirant après deux heures de tirs presque interrompus de son seul canon arrière, alors que le Suffren, le Gaulois et le Charlemagne s'étaient déjà retirés, et en virant à tribord ( à droite ), le Bouvet heurta à 13h54 une mine posée par le Nusret. Sa coque non protégée fut ouverte, déchirée sur sa longueur et sa gîte devint importante très rapidement. En 45 secondes, le navire ( voir photo ), tout en avançant, se couchera sur le flanc, puis chavirera par l'arrière, coulant verticalement ensuite, proue en l'air. Il emportera avec lui le commandant, 23 officiers et 619 marins. 47 rescapés seront recueillis par le destroyer Britannique Mosquito, sous les tirs Turcs. Ce ne fut pas la première perte: Vers 16 heures, le HMS Inflexible, durement touché, vira aussi sur tribord en se retirant, et vint donner dans le même champ de mines que le Bouvet. L'explosion tua 60 hommes et en blessa une centaine, certains furent noyés du fait de la fermeture automatique des cloisons touchées. Grâce à sa protection moderne, le croiseur de bataille, donnant de la bande, s'éloigna à petite vitesse de la baie et parvint à s'échouer sur un banc de sable de l'île de Tenedos.

Le cuirassé HMS Irresistible, à son tour, heurta une mine en se retirant toujours à tribord ( la configuration de la baie et le rayon giratoire de ces mastodontes ne laissait pas d'autre choix ). Ses compartiments machines furent inondés, mais les fuites contenues grâce à une évacuation rapide, aux paillets apposés et aux cloisonnage multiple. Cependant, la pression sur ces cloisons et les infiltrations non maîtrisées rendaient certaines son chavirage prochain. Alors que son équipage s'apprêtait à l'évacuer, le HMS Ocean se rapprocha de lui pour le prendre en remorque. Les hauts-fonds du rivage rendaient l'opération dangereuse, et vers 18 heures, il heurta une mine à son tour au niveau du gouvernail. Désormais, il devenait incontrôlable et commençait également à se remplir. Les deux bâtiments se retrouvaient immobilisés, à la merci des canons Turcs, qui contre toute attente s'étaient pratiquement tus, à cours de munitions. De la "poussière navale" vint secourir les naufragés, et on évacua la zone en hâte avec le soir tombant. Pensant que les navires puvaient toujours être à flot, et éventuellement récupérés par les Turcs, un destroyer fut envoyé pour les torpiller de nuit, les chercha 4 heures, mais ne vit rien. Les navires avaient coulé. Le bilan de la journée avait étée un triomphe pour l'empire Ottoman qui venait de faire subir à la Royal Navy les pires pertes de son histoire depuis Trafalgar.

-Les débarquements ( 25 - 27 - 28 avril 1915 ):

Cet échec ne retomba pas sur De Robeck, car Churchill, assumant pleinement ses responsabilités eut à s'en expliquer seul devant la chambre des communes. Désormais on allait, plutôt que de persévérer dans cette voie, tenter de prendre les forts à revers par des troupes débarquées sur des sites estimés sans défense. Le 22 février, 70 000 hommes furent rassemblés sous le commandement de Sir Ian Hamilton, formant la MEF ( Mediterranean expeditionnary force ). Les préparatifs durèrent un mois. Les Turcs qui s'attendaient à cette offensive choisirent judicieusement les points les plus favorables à une opération amphibie et les fortifièrent avec des lignes de tranchées, barbelées, nids de mitrailleuses, mortiers et casemates soutenus par des Howitzers. Un premier débarquement était prévu sur le cap Helles, les troupes devant franchir 11 km et atteindre le plateau de Kilitbahir qui commandait la presqu'île, et ultérieurement la ville de Krithia et la colline d'Achi Baba sur laquelle des pièces d'artillerie lourde devaient êtres acheminées.

Le jour J, le 25 avril, Trois cuirassés débarquèrent la première vague, suivis par les destroyers Usk, Ribble, Chelmer, Scourge, Foxhound, Colne et Beagle, assistés et couverts par les grosses pièces des HMS London, Prince of Wales et Queen, et du Majestic et Triumph, du Bacchante en arrière, les troupes prenant place sur des chaloupes. Un erreur avait étée commise sur le lieu du débarquemement qui s'effectua plus au nord, dans un lieu appelé actuellement "la Crique Anzac". De triste mémoire, puisque malgré les nombreuses troupes débarquées, les lignes Turques tinrent bon et infligèrent des pertes effroyables à la 29e division et aux troupes du Commonwealth, qui n'avancèrent que mètre par mètre. Le tir des cuirassés se fit peu heureux, malgré la présence des hydravions de l'Ark Royal et les ballons du Manica qui devaient assurer la correction des tirs. Les premières lignes seront finalement prises au soir...


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