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La campagne des Dardanelles - Fin ( 1915-16 )

Le HMS Majestic quittant Mudros pour paticiper le 25 avril au débarquement. ( Image Wikipedia DP )

... le tir des navires de ligne était rasant, et peu précis, et le soutien attendu fut très aléatoire. En somme, les troupes éprouvèrent le même sentiment d'impuissance que leurs frères d'armes sur le front ouest. La situation différait selon les plages. Aux plages V, W, et X, plus au sud sur le cap Helles, la préparation d'artillerie avait étée considérable, mais pas sur "Anzac Cove" qui était conçu comme une surprise. Les troupes, en majorité Australiennes, arrivaient donc devant des lignes ennemies intactes. Le soutien d'artillerie ne vint qu'après, et fut restreint par sécurité lorsque les troupes progressèrent vers l'intérieur. Un autre débarquement eut lieu sur la plage "S", à Kum Kale, de troupes Françaises soutenues par le Cornwallis, qui prirent le village et le tinrent malgré les contre-attaques Turques. Malheureusement, les pertes des Anglais étaient telles, que les Français durent quitter le village pour rejoindre la MEF enlisée sur la côte occidentale de la presqu'île. Le soutien naval ne fut pas efficace contre les positions retranchées, mais bien plus sur les troupes Turques qui contre-attaquèrent à découvert le 27 et le 28. Le Queen Elisabeth prouva alors sa valeur en stoppant net la première offensive d'une seule salve, tandis que la seconde le landemain fut littéralement anéantie par des shrapnells de 381 mm utilisés spécialement pour l'opération. Il montra aussi la précision de son tir lorsque le 27, il coula depuis Gaba Tepe un transport Turc qui traversait le détroit, repéré par un ballon qui indiqua sa position précise.

-Du piétinement au retrait:
Devant l'opinâtre résistance des Turcs, commandés par le général Allemand Helmuth von Sanders, l'offensive ne parvint jamais à ses objectifs initiaux. Les troupes débarquées à la pointe du cap Helles ne parvinrent jamais à vue de Krithia, tandis que celles d'"Anzac Cove" n'avancèrent que que de quelques kilomètres, les hauteurs restant à l'ennemi. Leur situation était intenable car la configuration du terrain faisait que les armes Turques battaient toutes les zones à découvert. De nombreux officiers supérieur y perdirent la vie, le général Français Gouraud y est grèvement blessé. On ne ravitaille plus les troupes que de nuit, et l'évacuation des blessés reste problématique. Ce n'est que le 1er mai que les forces de l'entente parviennent à constituer une tête de pont de faible profondeur. Mais le front restait figé. Le 6 mai, Hamilton décide de débarquer dans la baie de Suvla, et de lancer une attaque sur Kereves-Dere et Achi Baba. Ce sera uun échec sanglant, et ce malgré une nouvelle tentative avec des troupes fraîches le 15. Plus grave, le soutien de marine était compromis: Le 12 mai, le torpilleur Turc Muavenet parvint à torpiller le HMS Goliath et à l'envoyer par le fond. Plus tard, le 25, c'était au tour du HMS Triumph, coulé par l'U21. Et deux jours plus tard, le même U21 envoyait par le fond le cuirassé HMS Majestic. Devant cette menace très sérieuse, l'amirauté décida de retirer tous les cuirassés et navires de ligne encore en soutien, et par commencer le flambant neuf Queen Elisabeth, qui rallia sagement l'Egypte... Désormais ce seront les petites pièces de quelques croiseurs et destroyers qui effectueront les tirs de couverture, ainsi que quelques "monitors improvisés" avec des navires locaux réquisitionnés.

La dernière tentative pour débloquer le front fut menée le 6 août: Il était question d'effectuer deux attaques au sud sur le cap Helles et sur Sari-Bari. Cette dernière est menée par les Anzac et échoue totalement. La seconde ne recontra que peu de résistance mais l'incurie des officiers fit qu'elle ne progressa pas, laissant le temps aux Turcs de fortifier leurs positions et d'envoyer des renforts. Lorsqu'Hamilton arriva, il était trop tard. Ce dernier échec copute sa place au premier Lord de la mer, Winston Churchill, tandis qu'Hamilton est remplacé par Munro. Ce dernier est rapidement secondé par Kitchener et les deux hommes en arrivent à la conclusion que faute de soutien efficace, avec le feu continu des grosses pièces turques intactes, et l'hiver arrivant, la situation est compromise. La décision finale de retirer les troupes viendra lorsque la situation aux Balkans se dégrada rapidement. On évacua sans trop de pertes d'octobre à Janvier les troupes alliées, quelques 100 000 hommes, et on les débarqua à Salonique pour soutenir le front Grec. Au total la plus grande opération amphibie de la première guerre mondiale se soldait par une échec cuisant: Constantinople sera définitivement hors d'atteinte, tandis que la triple entente avait perdu 7 cuirassés et laissé 250 000 hommes sur le terrain, morts et blessés.

Le vieux cuirassé Messoudieh. ( Image Wikipedia DP ).

La revanche des submersibles:

Cependant l'échec était compensé par la réussite d'une des branches de ce plan: Les attaques menées par des submersibles. Malgré les difficultés, Anglais et Français tentèrent de passer les défenses des détroits. Le 13 décembre 1914, déjà, le submersible Anglais B13 réussit à franchir toutes les lignes de mines et les deux filets, et déboucha dans la baie de sari Sighlar au sud de Cannakale. Il aperçut le vieux Messoudieh, ancré comme batterie et lui décocha une bordée de torpilles. Le cuirassé sombra en dix minutes, emportant avec lui plus de 600 hommes, mais la plupart réussirent ultérieurement à quitter le bâtiment, dont la coque émergeait encore et que l'on perfora pour les évacuer. L'exploit du B11 ne s'arrêta pas là puisqu'il parvint à ressortir par le même chemin. Le capitaine Holbrook fut le premier à recevoir la Victoria Cross de la guerre.

De son côté le submersible Français Saphir passa les défenses le 15 janvier mais s'échoua sur Nagara. Il fut ensuite débusqué et coulé. Le Britannique E15 fit de même le 17 avril, et vint s'échouer sur Sari Sighlar après avoir été happé par le courant des profondeurs. Il fut détruit par les canons du fort de Dardanos, et son équipage fut fait prisonnier, sans avoir pu le saborder. Il sera coulé finalement bien plus tard. Mais le 26 avril, le submersible Australien AE2 parvint le premier à passer le détroit entièrement, et à déboucher en mer de Marmara, qu'il écuma pendant une semaine sans résultats tangibles, du fait du défaut de détonateur de ses torpilles. Le 29, il fut aperçu et coulé par le torpilleur Turc Sultanhissar.

Le même 27 avril, un autre submersible, l'E14 du commandant Boyle, passa également en mer de Marmara et y décocha toutes ses torpilles, usant également de son canon, et coulant un tonnage important. Il revint par le même chemin, et reçut la Victoria Cross tandis que le trafic marchand en mer de marmara était interrompu pour quelques temps. Boyle ne se contenta pas de ce premier succés et fit deux autres traversées du détroit sans encombre, allant encore infliger des pertes au trafic Turc, et ce malgré la pose d'un nouveau filet en baie d'Erin Keui. Le 23 mai, l'E11 fit de même, coulant pas moins de 11 navires, dont trois dans le même port de la côte de Thrace. Le 8 août, au cours dune nouvelle traversée, il coula le cuirassé Hayredin Barbarossa. Il y eut aussi des exploits d'hommes isolés débarqués, comme le lieutenant Lyon nageant vers la côte depuis l'E2, réussissant à faie sauter grâce à des charges de TNT un pont ferroviaire. Il ne revint jamais. Le Lt. Hugues fit de même depuis l'E11. Il fit dérailler un train en faisant sauter la voie, et gagna à son retour la D.S.O. Le 17 juillet, l'E7 s'en prit directement au canon à une voie ferrée côtière et stoppa et détruisit deux trains.

Mais tous n'eurent pas de chance: Ce fut le cas de l'E7 lors de sa dernière sortie, lorsqu'il s'empêtra dans le premier filet, mais aussi du Français Mariotte le 27 juillet. Le Joule fut de son côté coulé le 1er mai en sautant sur une mine. Quand au turquoise, son histoire est édifiante: Il parvint à franchir le détroit le 28 octobre, pénéta en mer de Marmara et coula quelques navires, mais au retour, le 30 s'échoua au pied d'un fort et fut capturé intact. Les Turcs mirent la main sur le submersible qui fut remorqué, rebaptisé et remis en service aux couleurs Turques, mais aussi sur des documents détaillant les opérations alliées et un rendez-vous avec le submersible Britannique E20. Lorsque ce dernier arriva à l'heure dite, ce fut pour être torpillé par l'U14 en embuscade... Au final, les alliés coulèrent deux vieux cuirassés Turcs, un destroyer, 5 canonnières, 9 transports de troupes, 7 ravitailleurs et plus de 200 vapeurs et navires divers, tout en vidant littéralement la mer de Marmara.

La dure leçon des Dardanelles ne fut pas perdue. Si aucune autre opération amphibie d'une envergure similaire ne fut entreprise ( à part le projet de 1918 en Baltique ), on se mit à réfléchir sur de nouveaux concepts qui portèrent leurs fruits durant la seconde guerre mondiale, où ce genre d'opérations connut un développement constant et arriva à ses heures de gloire. Les succés obtenus en Crimée n'étaient pas comparables, et les pertes ne furent pas dûes aux forts mais aux mines et submersibles ennemis. Elles étaient certes imposantes, mais limitées à des bâtiments obsolètes, peu utiles par ailleurs dans une ligne de bataille moderne. En filigrane se dessinait cependant le futur usage des navires de ligne comme batteries côtières, un rôle qui reste d'actualité, et même d'avenir. On étudie depuis quelques années des navires ultra modernes équipés de tourelles simples, doubles ou triples de gros calibre à des fins de soutien côtier aux troupes à terre, en bénéficiant de tous les progrés en termes de portée, de précision, d'obus à ailettes et à poussée additionelle...


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