-L'origine:
La campagne effective des Dardanelles ne se conçoit
qu'après l'entrée en guerre de la Turquie
aux côtés des empires Centraux. La saisie des
navires Turcs en construction en Grande-Bretagne sans contrepartie
et l'apport de l'escadre Allemande de méditerranée
( Contre-amiral Souchon ) à la flotte Turque allaient
décider entre autres la "sublime porte"
à entrer en belligérance contre les alliés.
Le ressentiment contre la Grande-Bretagne, qui avait des
intêréts stratégiques au moyen-Orient,
fut grandement aidé par les relations privilégiées
qu'entretenait le Kaiser avec le sultan Mohammed et Mustafa
Kemal. Cela commença par la fermuture du détroit
au trafic civil allié en octobre, après l'arrivée
des navires Allemands à Constantinople. Le 28, ces
derniers, désormais baptisésYavuz Sultan
Selim et Midilli, effectuèrent un raid
côtier contre la Russie, s'en prenant à Sébastopol
et Odessa, coulant plusieurs bâtiments légers.
La réponse fut la déclaration de guerre de
la Russie aux Turcs le 2 novembre suivis par les Britanniques
le 6. Une offensive terrestre Turque fut entreprise en décembre
dans le Caucase, stoppée par les Russes, mais au
prix d'une évidente ponction sur les effectifs opposés
aux Allemands à l'ouest. En conséquence, le
Tsar demanda officiellement l'aide de la Grande-Bretagne
en Janvier. Sir Winston Churchill, qui avait déjà
étudié les éventualités d'une
prise du détroit, estimait faibles les troupes Turques,
et par conséquent la facilité d'une opération
navale. Il trouva donc le prétexte recherché
pour monter l'opération.
Le Vice-Amiral Carden, qui dirigeait l'escadre de méditerranée,
fut diligenté le 11 janvier par Churchill d'établir
un plan précis d'attaque des Dardanelles. Ce dernier
élabora une stratégie basée sur un
triptyque cuirassés/dragueurs de mines/submersibles.
Les premiers devaient, comme pendant la campagne de crimée
60 ans plus tôt, museler les forts Turcs et ainsi
permettre aux frêles dragueurs de mines de dégager
la route du détroit. Quand aux submersibles, ils
devaient autant que possible, traverser les défenses
du détroit et pénétrer en mer de Marmara
pour y perturber le trafic Turc, pousser sur Constantinople,
couler les unités de la flotte qui tenteraient une
sortie contre les alliés, et dans l'idéal
torpiller le Yavuz...
Le 13 Janvier, l'opération était aprouvée
pa le conseil de guerre et Carden recevait en renfort 14
cuirassés pré-dreadnoughts ( les plus modernes
restaient au sein de la Grand Fleet ), mais également
le très moderne Queen Elisabeth, et le croiseur
de bataille HMS Inflexible. La France fut sollicitée
naturellement, et envoya un escadron de quatre autres pré-dreadnoughts,
les Gaulois, Bouvet, Suffren, et Charlemagne.
La Russie de son côté mobilisa un croiseur,
l'Askold. Tout le dispositif était complété
par de nombreux bâtiments légers et totalisait
une flotte de 90 navires. Les allié s'établirent
à Lemnos, mais lors des opérations, rejoignaient
Imbros, à quelques encâblures du détroit,
et protégé des tirs Turcs. Des forces terrestres
furent également mises en place en Egypte pour une
opération amphibie sous le commandement du chef de
corps d'armée John. S. Keyes, et qui comprenait plusieurs
contingents de Royal Marines, la 29e division d'infanterie
régulière, et un fort contingent Néo-Zélandais
et Australien ( les célèbres ANZAC ), stationnés
en Egypte.
-Les premières opérations
( 19 février 1915 ):
En fait, un test fut mené avant même toute
déclaration formelle de guerre par une action le
3 novembre avec les deux croiseurs de bataille Indomitable
et Indefatigable assistés des cuirassés
Français Vérité et Suffren.
Chaque cuirassé devait viser un fort en particulier.
Le fort de Sedd-ul Bahr fut mis hors de combat au bout de
10 minutes de bombardement. Après ces résultats
encourageants, Carden fut autorisé à continuer
le développement de son plan. ( Mais d'un autre côté
la surprise était perdue et les Turcs, bien secondés
par des artilleurs Allemands dépêchés
sur place, étaient aux aguets. La première
phase commença le 19 février 1915 à
7h30 du matin. Quatre destroyers aux côté des
cuirassés Cornwallis ( qui fut le premier
à tirer ), et du Vengeance, furent pris à
partie par les forts Oranhiye Tepe et Kum Kale sur la pointe
sud de l'entrée du détroit ( voir carte ci-dessous
). Ces derniers faisaient appel à des pièces
Krupp de 240 mm aux tirs très efficaces.
Comme
on peut le constater sur cette carte, le gros des défenses
Turques étaient étagées en profondeur,
ce qui leur donnaient une parfaite défense des passes
du détroit comme de la côte Nord de Galipolli.
Ces forts totalisaient 80 pièces lourdes dont 6 de
355 mm, 6 Howitzer de 150, et d'autres de 240 et de 280
mm. Pas moins de 10 champs de mines ( pour un total de 370,
qui augmenta par la suite ) barraient le fond de la baie
d'Erin Keui et la baie de Sari Sighlar, dans le passage
le plus étroit. Deux filets anti-submersibles barraient
l'entrée et la sortie du dispositif, le tout sous
le feu des forts, dont seuls les plus importants figurent
sur la carte.
Le
19 février donc, trois cuirassés Anglais et
le Suffren, tirant à 10 000 mètres pendant
un quart d'heure parvinrent à museler provisoirement
les forts de Kum Kale, Oraniye Tepe, Ertrugul et Sed-Ul
Bahir, qui avaient étés déja singulièrement
mis à mal. Mais les résultats attendus se
firent attendre. L'offensive recommença le 21, s'interrompit
à cause de la météo et repris le 25,
mais les Turcs avaient évacué les forts de
défense à l'entrée du détroit
pour se concentrer sur les forts de la passe entre Dardanos
et Canakkale. En toute éventualité, les Royal
Marines débarquèrent et prirent définitivement
les forts, recontant peu de résistance. Mais le bombardement
allait reprendre du 26 au 31 février et de plus belle
dans la baie d'Erin Kui le 1er mars...