Ce
ne fut pas la dernière classe de croiseurs de bataille
Anglais, mais incontestablement, les Renown marquaient
un nouveau jalon dans l'évolution de ce concept si
controversé. Sur le plan du tonnage, ces navires
étaient équivalents voire inférieurs
à celui des dreadnoughts récents, mais pour
la taille, il dépassaient tout ce qui avait pu être
construits jusque là. Il s'agissait des plus grands
bâtiments de guerre jamais vus à l'époque,
statut qu'ils gardèrent jusqu'à la sortie
du Hood en 1920. Ils marquaient aussi une évolution
logique vers le calibre de 15 pouces ( 381 mm ) en parallèle
avec les dreadnoughts des classes Revenge et Queen
Elisabeth. Alors que l'amirauté ne voulait plus
entendre parler d'autres croiseurs de bataille, affirmant
que le Tiger était le dernier, le retour de
Lord Fisher en octobre 1914 comme premier Lord de la mer
remit ce positionnement en question. Comme escompté,
ce dernier ne ménagea pas sa peine pour demander
la construction de deux nouveaux bâtiments de ce type,
capitalisant sur les victoires remportées par les
bâtiments de la classe Invincible aux Malouines
contres Von Spee.
On lui rétorqua que ces navires complexes ne seraient
pas terminés avant la fin de la guerre, notamment
du fait que la priorité de l'amirauté était
alors d'achever ses dreadnoughts et d'assurer une production
massive des destroyers. Ce dernier affirma qu'il était
possible de rationnaliser la production afin de parvenir
à des délais d'étude plus courts et
à une construction rapide. Il espérait même
une mise en service début 1916. Pour gagner du temps
il se proposa de récupérer les tôles
et matériels engagées dans la fabrication
des deux dreadnoughts de la classe Revenge portant
le même nom, ces derniers étant littéralement
cannibalisés et leurs tourelles de 381 mm récupérées.
Comme encore une fois la vitesse devait être déterminante,
Fisher tablait sur 32 noeuds, et pour l'établir,
il escomptait de nouvelles machines plus légères
avec des chaudières à tubes fins et des turbines
allégées, mais les délais firent qu'on
se rabattit sur l'adoption des machines du Tiger,
avec quatre chaudières supplémentaires aménagées
dans l'espace disponible. Enfin et surtout la protection
était une nouvelle fois sacrifiée, reprenant
le schéma adopté sur les deux Invincible
- ( Jutland n'avait pas encore eu lieu, et Fisher restait
fidèle à son credo, la vitesse est la meilleure
protection ). De fait, en sortant des chantiers, ces navires
dont le poids avait augmenté en cours de construction,
ne purent atteindre les 32 noeuds sécifiés
qu'en forçant leurs chaudières bien au-delà
de 120 000 cv, au prix d'une consommation monstre de mazout.
Leur vitesse normale était de 30 noeuds pour 112
000 cv, ce qui était déjà exceptionnel
en soit, et bien meilleur que le Hindenburg Allemand
( à contrario bien mieux protégé ).
Elle resta le record des navires de ligne jusqu'à
l'arrivée rapide des croiseurs de bataille légers
Furious et Courageous ( 32 noeuds ) et naturellement
du Hood ( 31 noeuds ).
La coque était dotée dès l'origine
de légers "Bulges" de protection courant
sur toute la ceinture. Pour finir, on adopta des pièces
secondaires d'un calibre léger, revenant à
la solution des bâtiments précédents,
mais au lieu de barbettes, on choisit de les surélever
et de les grouper en affûts simples ou triples sous
masques. Cette configuration triple pour cinq de ces affûts
était d'ailleurs une étrangeté qui
ne fut pas des plus heureuses: Les trois pièces de
chaque groupe était indépendante et nécéssitait
à elle seule plus de 10 hommes pour leur fonctionnement,
ce qui au total représentait 32 servants, dans l'espace
confiné du masque de blindage. La complexité
du système de chargement fut également critiquée.
Bien que l'arc de tir de cette artillerie était en
théorie excellent, meilleur que les barbettes gênées
dans le gros temps, leur faible calibre les rendaient peu
efficaces. Ce concept se révéla médiocre
au final et ne fut jamais repris. Ces deux bâtiments
furent mis en chantier à Fairfield et J. Brown le
25 janvier 1915, lancés en janvier et mars 1916 et
achevés en août et septembre 1916, le Repulse
précédant le Renown. Cette construction
avait en effet pris un an et 8-9 mois, plus que prévu,
mais moins que le Tiger ( deux ans et quatre mois ).
Lorsqu'ils entrèrent en service au sein de la Grand
Fleet, la bataille du Jutland venait de se terminer et les
croiseurs de bataille avaient perdu toute crédibilité.
Les remous provoués par ces pertes étaient
tels que certains au gouvernement se proposaient purement
et simplement de mettre en réserve ces unités.
L'amirauté, lorsque le calme fut revenu, décida
par la voix de John Jellicoe de reprendre en main ces deux
bâtiments et de leur ajouter 500 tonnes de blindage
au dessus principalement des soutes à munition et
de la salle du gouvernail et des systèmes de direction.
Leurs cheminées avant avaient étées
réhaussées dès novembre 1916 du fait
de la gêne occasionnée par la fumée
sur la passerelle. A l'automne 1917, une passerelle de décollage
fut adaptée sur la tourelle B, une première
en Angleterre. Les USA avaient montré la voie sur
l'un de leurs croiseurs. Cette petite plate-forme ( environ
20 mètres ) prenait appui sur la tourelle et les
canons, ce qui n'était pas sans poser problème
en cas de tir avec une hausse importante. Inclinée,
celle-ci était jugée suffisante pour lancer
un Sopwith Pup, léger chasseur utilisé en
l'occurence comme appareil d'éclairage, lancé
simplement en enlevant les cales maintenant les roues, moteur
à plein régime. On eut recours aux hydravions
embarqués durant les années 20-30.
La solution fut reprise peu après sur le Repulse,
puis adoptée par tous les autres bâtiments
de ligne récents de la Royal Navy. Courant 1918,
on eut recours à de nouvelles modifications, pose
de déflecteurs, pose de nouveaux projecteurs dans
des tours blindées, tandis que la structure de la
longue coque, trop légèrement construite pour
résister aux puissantes bordées de ses six
pièces, était renforcée, et le poste
de direction de tir reconstruit. La protection restant toujours
problématique, on décida de renforcer le Repulse
avec le blindage enlevé de l'ex-cuirassé Cochrane
tranformé en porte-avions. Fin 1918, le Renown
de son coté devait attendre la disponibilité
d'un nouveau blindage, reçut seulement en 1923-26.
Leur carrière durant la grande guerre fut insignifiante
du fait notamment que l'amirauté craignait tout simplement
de les exposer au feu ennemi. En 1918 encore, certaines
parties vitales du navire povaient être traversées
par des projectiles de 152 mm. En attandant le Renown
hébergea le Prince de Galles durant sa tournée
asiatique et Australienne.
Ces deux navires furent une nouvelle fois modernisés,
recevant une DCA moderne ( avec le retrait de leurs pièces
de 102 mm ) et de nouveaux systèmes de direction
de tir. Mais seul le Renown bénéficia
d'une refonte totale, doublée d'une reconstruction
étalée sur trois ans, de 1936 à 1939.
Le Repulse devait être reconstruit de la même
manière, bien que la guerre l'en empêcha. Il
rejoignit l'escadre de Singapour avec le Prince of Wales
et fut coulé en décembre 1941 par l'aviation
Nippone. Le Renown de son côté reprit
du service le 2 septembre 1939 dans l'escorte des porte-avions,
totalement méconnaissable, et avec un blindage cette
fois bien plus conséquent, son tonnage atteignant
36 000 tonnes. Sa carrière durant la seconde guerre
mondiale bien fut plus riche et il fut finalement démoli
en 1948, après de trente-deux ans de bons et loyaux
services à la couronne... ( Voir aussi Renown
et Repulse sur Navis2GM ).