Le raid de Zeebrugge ( 23
avril 1918 ).
Les restes de deux
croiseurs Britanniques dans la rade (Photo Wikipedia TDP)
Le Raid de Zeebrugge sur la côte
Wallone reste l'un des faits d'armes les plus spectaculaires
de la grande guerre. Il trouve une résonnance certaine
face au seul raid naval qui peut lui être comparé,
celui sur Saint Nazaire les 27-28 mars 1942. Dans le cas précis
de ce raid, il s'agissait de neutraliser durablement l'une
des principales bases navales Allemandes sur la côte
Belge, qui en possédait alors deux importantes, Ostende
(Oostend) et Zeebrugge. La première plus au sud étant
d'accés plus difficile et verrouillée par le
barrage de feu de ses nombreuses batteries, mais Zeebruge,
qui en outre servait de base d'hydravions (signalant les
moindres faits et gestes des navires alliés en manche) bien protégés grâce au grand môle
incurvé du port, et à ses propres batteries
était plus intérressant.
En Flamand, Zeebrugge signifie
littéralement, "Bruges sur mer": Il s'agit
historiquement d'un canal reliant Bruges à la mer,
et du premier port de pêche touristique de la côte,
devenu station balnéaire au XIXe siècle. Celui
d'Ostende fut construit plus tard et était nettement
plus long et tortueux. La base navale de Zeebrugge n'était
pas bien protégée (sinon naturellement) et
comptait une dizaine de submersibles et de torpilleurs y transitant
et des vedettes lance-torpilles en permanence, qui menaçaient
constamment le trafic venant de mer du Nord. Mais surtout
son canal consittuait le premier débouché des
nombreux submersibles basés à Bruges. Lors de
l'offensive terrestre Britannique du saillant d'Ypres durant
l'été 1917, on tenta une offensive localisée
pour prendre Bruges. Mais la bataille d'Ypres qui devait permettre
de crééer cette percée s'acheva par le
massacre de 200 000 hommes sans la moindre avancée
significative ( Bruges restait à 40 km du front ).
Les Bombardements côtiers menés par des monitors
étant risqués du fait des batteries Allemandes,
une opération du type "commando" (le terme
n'existait pas à l'époqu) fut montée
pour bloquer le port et le canal in situ.
L'idée du raid venait de
Sir John Jellicoe, alors premier lord de la mer, peu avant
sa démission soudaine fin 1917, alors en heurt constant
avec le premier lord de l'amirauté et de sa politique
des convois, Sir Eric Gedde. Son idée, relayée
par sir Roger Keyes, commandant le port de Douvres, fut acceptée
sur le principe et préparée dans le plus grand
secret. L'obstruction de la voie d'accés de Bruges
à la mer avait étée émise dès
1915 par l'amiral Bacon, limogé depuis. Ce dernier
n'envisageait pas une opération commando mais un raid
de monitors sur les écluses. Le plan fut rejeté
par l'amirauté. Redéfini par Keyes, l'opération
mettait en oeuvre trois vieux croiseurs réformés,
utilisés comme "bouchons" d'obstruction et
remplis de béton (HMS Thetis, Iphigenia
et Intrepid), un croiseur plus "récent",
le Vindictive, destiné à débarquer
et soutenir des troupes de marine faisant diversion, et deux
solides ferries de Douvres, Iris et Daffodil.
Les trois unités furent
entièrement rééquipées en vue
de l'assaut, par une nuit sans lune, soutenu par le feu de
quelques monitors. On les dota de tours blindées, avec
des mitrailleuses, des sacs de sable et des plaques de tôle
additionnelle protégeant les postes de tir et la passerelle.
Un équipage réduit à quelques hommes
s'embarquait sur les trois vieux croiseurs, préparés
pour leur sabordage rapide, le Vindictive devant porter
l'assaut sur le môle. Enfin, le viaduc et sa voie ferrée
reliant le môle (long de près de deux kilomètres
et large de 73 m, protégé par un immense parapet
côté mer), devait être détruit
par deux submersibles réformés, les C1 et C3,
qui devaient venir s'encastrer sous ses piles. Ceci devait
ajouter à la confusion et empêcher les renforts.
Toute cette diversion du Môle devait en principe permettre
aux trois croiseurs de gagner sous le feu ennemi leurs positions
de sabordage respectives, les hommes étant évacués
par des vedettes. En face, la garnison Allemande de Zeebruge
comptait près de 1000 hommes, y compris les servants
des grosses pièces côtières.
Une attention toute particulière
fut accordée au Vindictive. Du fait de la hauteur
du parapet à prendre d'assaut ( 9 mètres ) il
n'était pas question d'utiliser son artillerie normale.
On renforca donc sa hune blindée, dotée de pièces
rapides et le pont fut équipé de 14 passerelles.
Au total il embarquait un arsenal composé de trois
Howitzer, 16 mortiers, 10 lance-grenades, et des lance-grappins,
ces derniers pour s'agripper au môle pendant que les
Royal Marines l'escaladeraient avec les passerelles, les cordes
et les échelles, le Daffodil devant plaquer
le croiseur contre le môle pour plus de sûreté.
Les périls sont innombrables mais l'enthousiasme devant
l'audace de l'opération soulève plus d'une objection.
L'opération est repoussée deux fois en raison
d'une mauvaise météo. Enfin, le 22 avril au
matin, une flottille hétéroclite comptant pas
moins de de 157 navires et embarcations quitta le port du
Swin. Celle-ci comprenait, outre les navires de l'assaut escortés
par de nombreuses vedettes (74), 8 monitors, 8 croiseurs
légers et pas moins de 45 destroyers et torpilleurs.
Les effectifs de Royal Marines comprenait alors 690 hommes
répartis entre les trois navires d'assaut du môle.
Deux autres bloqueurs étaient prévus pour Ostende.
Après 7 heures de traversée,
le commandant Keyes envoya à la flotte le signa du
début des opérations ("saint georges pour
l'Angleterre"). Vers 11 heures, les vedettes commencèrent
à déplier un écran de fumée pour
protéger les cibles tentantes que constituaient les
6 navires détachés, mais le vent devint soudain
contraire. Et alors que les trois navires d'assaut (Le Vindictive
et les deux Ferries) ne se trouvaient plus qu'à 300
mètres du môle, des fusées éclairantes
Allemandes, suite au bombardement des monitors (inefficace) sur les positions supposées des batteries, furent
tirées, éclairant superbement les trois navires
Anglais qui approchaient au pas. Aussitôt ils furent
accueillis par un feu d'enfer, et leurs ponts balayés
sous une grêle d'obus. Malgré cela, ils continuèrent
leur approche jusqu'à leurs positions supposées
(car il se trouvèrent dans la confusion et la fumée,
à plus de 160 mètres de leurs positions prévues,
vers le milieu du môle.). Dévasté, ses
passerelles arrachées, le Vindictive parvint
donc à accoster et les Royal marines de se déployer
sous le feu des mitrailleuses, jetant leurs grappins et leurs
échelles sur le haut parapet de béton.
L'assaut, faute du soutien des
armes du croiseurs, détruites par le feu Allemand,
tourne court; Les hommes qui arrivent en haut des échelles
et des passerelles sont systématiquement abbattus par
les nids de mitrailleuses et les tireurs postés sur
les toits des hangars du môle. Le feu roulant des armes
légères va durer près d'une heure. Pendant
ce temps, l'Iris ne parvint pas à accoster au môle,
et son commandant décida de s'amarrer derrière
le Vindisctive pour y transférer ses hommes lorsque
vers une heure du matin, l'ordre de repli fut décidé.
Le 4e bataillon avait tenté de prendre les batteries
au pied du phare, au bout du môle, n'y parvint jamais:
Les hommes étaient fauchés soit au sommet du
parapet, soit en en descendant sous le feu ennemi, soit en
courant face à la véritable tranchée
érigée par les Allemands et sous le feu roulant
d'un destroyer à quai, ralentis par des caisses et
barbelés. Par contre le viaduc, à l'autre bout,
fut effectivement détruit par le C3. Le C1, trop retardé,
fit demi-tour. Faute de neutraliser les pièces, après
le retrait du croiseur, les trois bloqueurs furent à
leur tour pris sous un feu mortel et le premier, le Thetis,
prématurément sabordé, sans atteindre
leur position voulue. Il avait en effet été
pris dans les filets antitorpilles qu'il avait emporté
avec lui mais entortillé ses hélices. Il avait
dérivé sur un banc de sable avant de se voir
immobilisé provisoirement. Son commandant réussit
à le faire saborder à l'entrée du chela
vers l'écluse.
Les deux autres passèrent
au travers de la brêche créé par le Thétis
et furent relativement épargnés par les tirs
Allemands, divertis par les nombreuses vedettes qui tournaient
à toute allure dans la rade et évacuait les
hommes. Arrivés à leurs positions aparemment
prévues, ils obstruaient bien le passage entre la rade
et l'écluse, plus étroit, mais encore loin de
ces dernières, et dans une position qui les rendaient
contournables par des unités légères.
De leur côté, l'Iris, puis le Vindictive et le
Daffodil quittèrent la jetée sous un rideau
de fumée épais qui les sauva d'une destruction
certaine.
Au final, les trois navires d'assaut,
criblés de éclats, dévastés et
couverts de cadavres et de blessés, rentrèrent
à Douvres sous les hourras de la foule. Les croiseurs
de blocage avaient échoué à stopper les
sorties depuis Bruges, n'occasionnant qu'une gêne de
quelques jours, et l'opération su Ostende avait étée
un échec cuisant: Les Allemands avaient simplement
déplacés la bouée d'Ostende, tous feux
éteints, de 2400 mètres, et les navires bloqueurs
étaient venus s'échouer dans les dunes... Le
10 mai on tentera une nouvelle opération contre Ostende,
avec le Vindictive comme bloqueur. Mais l'opération
fut également un sanglant échec. Au final, trois
jours après l'opération de Zeebruges, le draguage
autour des croiseurs sabordés permit aux torpilleurs
de taverser le chenal et de gagner la haute mer. Quand aux
submersibles côtiers, ils ne furent contraint qu'à
quelques manoeuvres pour passer le chenal, dès le landemain
de l'attaque Anglaise. Toutefois la presse Anglaise fit de
ce raid un succés, habilement exploité par la
propagande. On décerna pas moins de huit Victoria Cross
aux commandos, du jamais vu pour une opération d'une
heure seulement. Au final, ce sont les Allemands eux-même
qui, en évacuant la zone, bloquèrent pour deux
ans et demi et totalement, le canal.
L'assaut de la rade
de Zeebrugge. Cliquez p. agrandir