La bataille de l'Atlantique
( 1914-18 )
Uns scène courante en 1917:
Le grenadage d'un submersible par un destroyer en secorte
- ici le Tempest. Image Wikipedia DP
Par deux fois au cours du XXe
siècle, les Allemands ont tenté d'isoler la
Grande-Bretagne de ses colonies, vitales pour sa population
et son effort de guerre. Ne bénéficiant pas
d'une supériorité navale classique ( de surface
), la marine Allemande à engagé une guerre sous-marine
sur une vaste échelle. En 1914, le concept de submersible
était encore frais, mais avait été accepté
dans son principe par tous les pays. Il n'était plus
désormais du domaine de l'expérimentation. Même
la très conservatrice Royal Navy s'était équipée
de dizaine de submersibles issus des brevets américains
de John Holland, l'une des grandes références
de l'époque en la matière. Quand à la
Hochseeflotte, elle disposait à l'entrée en
guerre en août 1914 d'environ 45 unités. Ces
dernières étaient récentes et de bonne
facture, mais de conception très différentes
des submersibles type Holland. Elles avaient étées
au départ conçues par un ingénieur Espagnol,
d'Ecquevilley, transfuge de chez Gustave Laubeuf
dont c'était le bras droit. La conception des premiers
U-Bootes dérivait donc étroitement du "Narval"
Français, dont le concept général peut
se résumer en un "torpilleur submersible"
dans lequel les capacités de surface était privilégiées
au détriment des capacités submersibles.
Mais surtout, le gros des bâtiments
alors en service était alors d'un génération
qui avait complètement ignoré de submersible
et n'était donc pas protégé sous la flottaison.
Jamais en effet au cours de la seconde guerre mondiale, le
"score" enregistré par les U-Bootes ne fut
aussi important ( pour l'anecdote, le recordman fut Otto
Kreshmer qui coula 46 navires -270 000 tonnes- en 16 sorties
). La guerre sous-marine en était à ses débuts,
et la lutte anti-sous-marine était alors un concept
entièrement inédit. Certains "as"
des submersibles firent leur apparition, devenus des héros
nationaux, comme Lothar von Arnauld de la Perière
( 194 navires - 450 000 tonnes ), d'origine Française
Huguenote, mais aussi Johannes Lohs ( 165 000 tonnes
), ou Reinhold Saltzwedel ( 111 navires, plus de 300
000 tonnes ). D'autres enfin se sont rendus célèbres
pour d'autres raisons: Le jeune Walther Schwieger,
qui coula le Lustinia, classé d'ailleurs par le "Jane's
Fightning ships", la revue navale de renommée
mondiale, en bonne place dans tous les navires de guerre,
comme croiseur auxiliaire potentiel, et qui fut taxé
de criminel de guerre, ou Paul König, venu de
la marine marchande, et qui commanda le submersible cargo
Deutschland, ralliant les USA, ou encore Karl Dönitz,
le futur amiral commandant les U-Bootes lors du second conflit
mondial, et qui reçut durant sa carrière deux
croix de fer, commandant les U-25 et U-68.
Face à cette impunité
au début de la guerre ( lourdes pertes militaires des
Britanniques et Français en méditerrannée
notamment ), un système fut mis en place, celui des
convois. Le principe remontait à l'antiquité
et se comparait à un troupeau escorté par des
chiens de garde - en l'occurence des destroyers. Natuellement
dans cette fable cruelle, les "loups" étaient
les U-Bootes. Malgré cela, les pertes restèrent
très élevées. On développa progressivement
un système primitif d'écoute ( pas encore de
sonar ) car l'eau conduisant bien les sons, un simple "pot
de yahourt" collé à l'oreille et à
la paroi en fond de cale pouvait trahir le son des hélices
d'un submersible en plongée. On développa aussi
une nouvelle arme, la grenade sous-marine. Ces "bidons"
remplis de TNT possédait une molette de réglage
de mise à feu, actionnée avant leur lancement
sur rampe ( généralement en poupe ), et explosaient
donc à la profondeur où était supposée
se trouver le submersible ennemi. Toutefois, encore jusqu'en
1918, les submersibles plongeant lentement, l'attaque au canon
en surface ou même l'éperonnage était
très courants.
Une arme inhabituelle, une ruse
plutôt, fut trouvée. Avant que les convois ne
se généralisent, les cargos naviguaient isolément.
Il suffisait à un U-Boote de s'en rapprocher jusqu'à
portée de tir, de l'araisonner sous la menace de ses
torpilles, d'envoyer une chaloupe à bord, inspecter
les stocks, qui selon leur nature, provenance ou destination
décidait du sort du bâtiment, puis soit laisser
le navire continuer, soit le capturer avec un équipage
de prise, soit ( le plus courant ), le couler ou le saborder,
aprés avoir fait évacuer l'équipage.
Le conservatisme des armateurs et compagnies maritimes fit
que le système des convois mit du temps à s'imposer.
Mais les Britanniques avaient mis au point une ruse nommée
"Q-ship", ou "navire-leurre". Il s'agissait
d'un cargo armé, parfois lourdement, mais ayant les
apparences d'un navire civil innoffensif. Lorsqu'un U-Boote
émergeait à proximité pour inspection,
qu'une chaloupe était mise à l'eau pour inspection,
le S-ship dévoilait soudain ses batteries à
poste, bien cachées sous des bâches ou des plaques
de tôles peintes, et faisait feu. Parfois le submersible
répliquait et ont vit de véritables duels se
terminer de manière fatale pour les deux protagonistes.
L'effet le plus visible de cette
tactique fut de dissuader les commandants de U-bootes d'arraisonner
les cargos isolés, mais de les couler après
reconnaissance sommaire des pavillons. L'autre raison fut
l'inefficience des araisonnements classiques, les cargos ne
pouvant par êtres indéfiniment capturés,
faute d'hommes pour les manoeuvrer à bord des U-Bootes
ou de place pour les prisonniers. Ce fut la "guerre sous-marine
sans restrictions" lancée par le Kaiser à
partir de février 1915. Désormais tous les navires
marchands alliés seraient torpillés à
vue dans une vaste zone entourant les îles du Royaume-uni.
L'usage des submersibles prenait alors son visage le plus
hideux, qui alla en s'aggravant jusqu'à la fin de la
guerre. Le 7 mai, le torpillage du Lusitania, la plus
grave tragédie "civile" après le Titanic,
achevait de monter les opinions contre les sous-marins et
l'Allemagne. Devant la crainte d'une entrée en guerre
des USA, le Kaiser décida en septembre d'interrompre
quelques temps sa guerre sans restrictions. Beaucoup de U-bootes
passèrent en méditerranée, bravant le
détroit de Gibraltar sous surveillance Anglaise, et
commençèrent à chasser sur un terrain
très favorable: Temps clair, excellente visibilité,
mer généralement calme, ports neutres et alliés,
et navires généralement lents et obsolètes,
proies faciles.
De leur côté les
Britanniques engageaient leur effort dans la contitution des
convois, et multipliaient les tactiques de défense:
On testa par exemple l'usage des routes en zig-zag, en changeant
de cap fréquemment on espérait tromper les U-Bootes
sur la route réelle et gêner leurs calculs de
tirs. On misa également sur la mise en place d'un "bureau
du camouflage". Pour la première fois, l'armée
employait des artistes contemporains ( surtout des cubistes
) pour déployer leur talent sur les coques et les rendres
indicernables. De véritables oeuvres méconnues
et un véritable courant artistique nacquit ainsi, au
départ purement utilitaire: Le "razzle dazzle
art". Ou comment transformer un paquebot ou un cargo
en véritable "zèbre multicolore".
Une équipe était chargée de tester sur
maquette de nouveaux schémas que les peintres traduisaient
dans la réalité sur des coques parfois gigantesques
( comme celle des "liners" employés comme
transports de troupes et croiseurs auxliaires ). Le camouflage
n'atteint ses lettres de noblesse et ne fut généralisé
qu'à la fin de l'année 1917. En effet, dès
février de cette année, le Kaiser décida
de mettre fin à la "trève" dans sa
guerre sous-marine sans restriction, qui allait repartir de
plus belle avec plus de U-bootes que jamais, et surtout sans
distinctions entre neutres et ennemis.
Le "blocus", des îles
Britanniques difficile à tenir au vu des distances
était d'ailleurs réciproque, et les U-Bootes
commençèrent à jour aussi le rôle
de "forceurs de blocus". ( la dépendance
de l'Allemagne vis-à vis de ses liaisons maritimes
n'était pas comparable ). Ainsi, le Deutschland,
premier submersible cargo, non armé, fut bâti
en 1916 pour pouvoir rallier un port neutre et revenir en
Allemagne avec un chargement civil sans être inquiété
par la surveillance Britannique. Bien que l'exploit resta
anecdotique - le Deutschland servit surtout à
concevoir un nouveau type de "croiseur submersible"
à long rayon d'action, lourdement armé, il augurait
de nouvelles évolutions des types de submersibles,
déjà élargis à des unités
mouilleuses de mines océaniques et côtières.
Peu onéreux et ne nécéssitant qu'un équipage
réduit, les U-Bootes côtiers, du type UB furent
largement mis en oeuvre sur la façade des flandres
jusqu'au côtes du Danemark. Avec l'engagement des USA
consécutif à leurs propres pertes subies du
fait des U-bootes, le pari était presque gagné:
1030 navires avaient étés coulés avant
le mois d'avril et l'Angleterre subissait une saignée
comme jamais dans son histoire, il ne lui restait plus que
6 semaines de réserve avant l'interruption définitive
de ses liaisons et la famine.
Avec la production d'escorteurs
venant de chantiers, civils, de nouveaux destroyers, des grenades
sous-marines, des convois et du camouflage, mais surtout avec
l'entrée en guerre des USA et de leurs propres escorteurs
( c'était le début de la production des centaines
de "four stackers" qui allaient sillonner l'atlantique
nord en 1918 ), la situation commença à se rétablir
au profit des alliés. Les chiffres des pertes s'établirent
pour les Britanniques à 252 000 tonneaux de jauge brute
( Tjb ) pour 1914, 885 500 pour 1915, 1 240 000 pour 1916,
3 660 000 pour 1917 ( et 166 000 pour les USA ), et enfin
1 630 000 pour l'année 1918. Ce dernier chiffre traduit
bien l'évolution des moyens déployés
contre la guerre des U-Bootes lors de ces deux années
critiques, alors même que la Hochseeflotte était
maintenue inactive après la victoire en demi-teinte
de Jutland. L'équivalent en tonnage réel total
était de 12 540 000 tonnes. Lorsque la capitulation
fut signée, 182 U-Bootes avaient étés
coulés. Ces derniers avaient envoyé par le fond
près de 16 millions de tonnes de navires ( plus de
3000 ) civils et militaires. Le traumatisme était donc
grand chez les alliés qui exigèrent l'interdiction
totale pour l'Allemagne de concevoir et de posséder
des submersibles. On sait ce qu'il en adviendra...
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récapitulant les pertes internationales en tonneaux
de juge brute. ( Pdf ).