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Le
Tosa tel que prévu en 1923.
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-Traité
de Versailles (28 juin 1919):
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A gauche,
les représentants des puissances alliées,
USA, Italie, France, GB; à droite la signature.
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Sans remonter
jusqu'au mythique traité de Tordesillas ( 1494
), qui sous la bénédiction Papale, partageait
le continent sud-Américain entre possessions
Portugaises et Espagnoles, le premier de ces traités
contemporains ne fut pas spécialisé dans
le domaine maritime mais dans le désarmement
drastique de l'Allemagne vaincue en 1918, qui prévoyait
aussi des clauses concernant sa marine, arrivée
au troisième rang mondial en 1914.
Le traité,
outre ses dispositions concernant la marine marchande
Allemande, dont près de la moitié devait
être remise aux alliés, concernait aussi
sa flotte, qui devait rester principalement une force
d'autodéfense raisonnable, et non de domination
navale à des fins coloniales. On ne lui autorisait,
au titre de navires de ligne, que les plus anciens en
service, les pré-dreadnoughts de la classe Deutschland
et Braunschweig, à raison de 8 unités.
Elle devait d'ailleurs n'en conserver que 6 opérationnels,
dont certains servant de navires-école ou autres
rôles subisdiaires. Elle avait également
le droit de posséder 6 croiseurs, là encore,
les plus anciens disponibles, les navires de la classe
Gazelle et Bremen ( 1898-1905 ), mais aussi 12 destroyers
et 12 torpilleurs. Cette disposition acheva de discréditer
ce qui restait de la Hochseeflotte, qui avait virtuellement
cessé d'exister le 28 janvier 1920, deux mois
après son internement à Scapa Flow. Contrairement
aux autres nations, l'Allemagne ne pouvait repartir
que d'un effectif de très faible valeur. On avait
bien entendu assorti cette clause d'une interdiction
ferme et définitive de construction de submersibles
ou d'avions ( et donc de porte-avions par la même
occasion. ). Par ailleurs, il n'était pas formellement
spécifié une interdiction de construire
des navires de lignes en remplaçement des pièces
de musée qu'elle possédait en service,
mais avec 10 000 tonnes autorisées pour ses plus
gros bâtiments, l'affaire était entendue.
On sait comment la Reichsmarine réussit à
surmonter ce sévère handicap pour construire
trois singuliers navires, appelés à tort
"cuirassés" de poche, car leur tonnage
était trop faible pour autoriser autre chose
que le blindage d'un croiseur léger. Mais telle
n'était pas leur vocation: Dans la nouvelle pensée
navale Allemande, il s'agissait de "raiders",
des corsaires, conçus spécifiquement pour
détruire les navires marchands et lutter pied
à pied avec leurs escorteurs le plus massifs
comme les croiseurs lourds. De fait non concernée
par le traité de Washington, en 1922, l'Allemagne
était libre de chercher à concevoir des
navires armés de pièces bien supérieures
au calibre 203 mm spécifié, quelque soit
son tonnage autorisé...
Quand aux
submersibles, l'Allemagne sous l'impulsion de Dönitz
et De Hitler développa en secret un bureau "civil"
à la Hague, "à des fins d'éxpérimentations",
mais qui délivra au milieu des années
trente quelques premières unités militaires
à des pays mineurs conquis d'avance par la technologie
submersible Allemande, comme d'ailleurs les alliés
en général qui s'en étaient abondamment
inspirés pour leurs propres modèles. En
1933, avec l'arrivée d'Hitler, le plan initial
de Raeder, qui prenait résolument le contre-pied
du traité de Versailles, fut adopté définitivement
lorsque fut arraché à la conférence
de Genève l'égalité des droits
pour l'Allemagne. A partir de cette date, la Kriegsmarine
était libre de naître, en remplacement
de la Reichsmarine. Des termes qui reflétaient
une opinion et une pratique plus en accord avec les
ambitions du futur chef incontesté du IIIe Reich....
Le Montana, vue d'artiste d'époque des South
Dakota ( 1922 )
Source: http://www.navsource.org/archives/
-Le Traité de Washington ( 6 février
1922 ):
L'Allemagne
était la seule ( ex- )grande puissance maritime
non concernée par ce traité, et pour cause
( voir plus haut ), de même que la Russie, en
pleine guerre civile, qui provoquait la ruine et la
destruction des dernières unités de la
marine du Tsar.
Le Traité
de Washington, sans doute la plus grande date en matière
de désarmement maritime, résulte de la
course effrénée que se livraient les différentes
Nations à la fin de la première guerre
mondiale, en particulier en matière de navires
de ligne, instruments par excellence de sa puissance
militaire et économique à cette époque.
Les 5 pays
signataires ( Grande-Bretagne, USA, Japon, France, Italie
) venaient de construire et de mettre en service de
8 à 20 cuirassés Dreadnoughts et s'apprêtaient
à en construire de nouveaux bien plus importants.
Les projets de cuirassés et de croiseurs de bataille
sont en cours de réalisation, des bâtiments
dont le tonnage standard dépasse allégrement
les 45 000 tonnes ( contre 25 000 pour le Dreadnought
de 1906 ), pour 200 à 260 mètres de long,
possédent une batterie de pièces de 406
mm, mais il est prévu et mis en chantier en 1918
des unités équipées de pièces
de 457 mm, et dans les cartons dorment des monstres
de 70 000 tonnes, armés de 8 pièces de
508 ou 533 mm... ( 20-21 inches ).
Dans le
détail, la Grande-Bretagne, prévoit 4
bâtiments avec le Hood, mais compte les épauler
bientôt par les St Vincent et Vanguard. Les deux
Nelson seront les premiers de cette série en
même temps que des unités "dérogatoires".
Le Japon n'est pas en reste avec une véritable
fièvre de construction visant à en faire
la force dominante en asie, avec en ligne de mire une
parité, au moins, avec l'US Navy et la Royal
Navy. Les Kaga, les Kii, les Tosa sont en construction.
Elle aussi prévoit des navires de plus de 60
000 tonnes armés de (très) grosses pièces
d'artillerie, portant à plus de 50 kilomètres...
Les USA, qui n'avait pas de croiseurs de bataille contrairement
aux deux premiers, met en chantier 6 énormes
bâtiments ( les Lexington ) de 260 mètres
de long pour 50 000 tonnes, et les 6 cuirassés
de la classe South Dakota de 45 000 tonnes... La France
avait pour son compte approuvée en 1912 la construction
des navires de la classe Béarn, et surtout ceux
de la classe Lion, initialement prévus pour une
entrée en service en 1917-19, et armés
de 3 ou 4 tourelles quadruples. Enfin, l'Italie avec
ses Caracciolo, ne prévoit là que les
premiers d'une série de navires visant à
en faire une fleet in being dominante en méditerranée,
une ambition que va cultiver le Duce à son accession
au pouvoir nostalgique du temps ou la mar antica était
le "lac de Rome".
Tous ces
léviathans d'acier commencent à prendre
une part impressionnante des budgets navals, alourdissant
les dépenses étatiques, la pression sur
les contribuables, d'une manière qui confinait
à l'intolérable, et à l'absurde
à long terme, surtout dans le contexte des difficultés
économiques terribles que traverse l'Europe,
ruinée. Il est donc finalement convenu à
l'instigation du président Américain,
Harold Wilson, un accord de limitation et de désarmement
drastique sur le plan naval, conclu le 6 février
1922.
Les principales
dispositions concernent ( article 3 ) un abandon de
la construction des navires des programmes en cours,
une limitation du tonnage ( article 4 ) accordé
en matière de navires de ligne ou "capital
ship", cuirassés et croiseurs de bataille,
neufs et futurs ( USA et GB 525 000 tonnes standard,
Japon 315 000, France et Italie 175 000 ). L'article
5 définit en outre que le tonnage unitaire de
ces navires ne devra en aucun cas dépasser 35
000 tonnes standard ( poids à vide en ordre de
marche et non à pleine charge ), avec une liberté
offerte par rapport au tonnage global accordé
( pour la France, cela équivalait à 5
navires de 35 000 tonnes, les futurs Dunkerque, Strasbourg,
Richelieu, Jean Bart et Clémenceau ). Par ailleurs
il était spécifié que les navires
existant du type PA ou navire de ligne devaient êtres
conservés en service 20 ans au minimum, ce qui
correspondait à un moratoire dans la construction
de navires de ligne de 5 années au moins en partant
de la signature du traité.
L'article
6 de son côté limitait le calibre maximal
de l'artillerie principale de ces navires à 406
mm ( celui adopté par les USA et le Japon récemment
). Cette limite fut d'ailleurs respectée par
tous les belligérants pendant la seconde guerre
mondiale ( sauf le japon ). L'article 7 limitait quand
à lui le tonnage accordé à ces
pays en matière de porte-avions, une disposition
quelque peu avant-gardiste eu égard à
la mentalité des amirautés à cette
époque, encore condescendante à l'égard
de cet "auxiliaire d'éclairage". Dans
le détail, les USA et la grande-Bretagne étaient
autorisés à disposer de 135 000 tonnes,
le japon 81 000, la France et l'Italie 60 000 tonnes
ce qui correspondait au déplacement de deux gros
PA d'escadre, tonnage qui ne fut pas consommé
en définitive, sauf partiellement par la france
avec son Béarn. En réalité, l'article
9 ajoutait que ce tonnage par unité ne pouvait
pas dépasser 27 000 tonnes.
Par ailleurs,
l'article 8 précisait que ces porte-avions étaient
des constructions neuves, tous ceux en service au moment
de la signature devant être considérés
comme "expérimentaux". Une clause qui
arrangeait la Royal Navy et lui donnait un net avantage,
de même que le Japon qui venait de terminer son
Hosho. L'article 9, pour y revenir, spécifiait
que l'on pouvait exceptionnellement construire deux
PA de 33 000 tonnes maximum, mais deux seulement. L'article
10 ajoutait des limitations de calibre et de nombre
de pièces d'artillerie embarquée, afin
de ne pas permettre aux pays signataires des "hybrides"
qui ajouteraient encore de la puissance de feu à
sa flotte de ligne, sous le vocable abusif de "porte-avions".
En accord avec les idées de l'époque,
un porte-avions devait pouvoir se défendre seul
par ses propres moyens ( les avions n'étant pas
pris en considération, considérés
comme de "l'éclairage" peu offensif
). On leur donnait une artillerie équivalente
à celle des croiseurs lourds au mieux ( 8 pièces
de 203 mm ).
Les articles
11, et 12 instaurent le visage définitif des
croiseurs lourds "standards" ( 10 000 tonnes
maximum, et un calibre de pièces n'excédant
pas 203 mm ). Rien ne s'opposait à construire
des croiseurs restant dans cette limite armés
de plus de 10 pièces de ce calibre, comme le
firent les Japonais.
L'article
13 concernait l'exclusion des ces limites de tonnage
les navires marchands réquisitionnés et
armés ( croiseurs auxiliaires ) en temps de guerre
ou de situation exceptionnelle. Les paquebots qui avaient
la préférence en la matière dépassaient
fréquemment les 20 000 tonnes. L'article 14 précisait
que les canons de 152 mm étaient un maximum en
matière d'armement pour ces navires.
Les articles
15, 16 et 17 interdisaient aux pays signataires de construire
pour d'autres pays des navires éxcédant
les limites de ce traité, ce qui était
assez improbable étant donné le coût
considérable d'un cuirassé moderne pour
une puissance maritime de second ordre, ou bien de les
réquistionner en cours de construction pour accroître
leur propre tonnage en cas de guerre.
L'article
19 était assez important puisqu'il précisait
qu'aucune extension territoriale des bases navales et
fortifications côtières des "empires"
Britanniques, Américains ou Japonais ne pouvait
êtres admises, mais que rien ne s'opposait à
une amélioration des bases navales territoriales,
des restrictions consenties pour Singapour ou La baie
de manille ( Corregidor ), que les USA ne respectèrent
que très partiellement, en renforçant
les ouvrages bétonnés autour de Corregidor
et de la baie de manille, dont le fameux "concrete
batteship" en 1931, un véritable "cuirassé
fixe", mais effectivement rien de particulièrement
menaçant. McArthur allait le payer cher en 1942.
Le chapitre
II du traité énonçait ensuite pour
chaque pays les navires de ligne à conserver
de droit, en totalisant leurs tonnages respectifs et
cumulés, ce qui impliqua notamment pour les USA
et la GB des démolitions de navires en achêvement
ou en service depuis moins de 15 ans. La France par
exemple, était autorisée à reprendre
des constructions neuves à partir de 1927.
La seconde partie de ce chapitre détaillait la
signification du terme "scrapping" ( mettre
à la ferraille, sorte de "réserve
ultime" avant démolition ), afin d'empêcher
un pays de ressortir des navires officiellement mis
hors de la réserve navale "normale",
avec un minimum d'entretien. L'article précisait
que le navire devait être désarmé,
( tourelles et canons ), sa cuirasse enlevée
et ses télémètres également,
de même que ses machines. On pouvait par contre
les convertir, désarmés, en navire-cibles,
comme le fut l'Utah, coulé à Pearl Harbor
en 1941. On pouvait aussi, dans le cas de la France
et de l'Italie, en convertir 2 anciens en navires-école,
avec obligation de démonter leurs blockhaus de
passerelles et une interdiction d'utilisation guerrière
même en cas de conflit.
Il n'était
nulle part fait mention des destroyers, ni des torpilleurs
ou encore des submersibles et vedettes lance-torpilles,
et autres patrouilleurs, ce qui laissait une marge de
manoeuvre importante aux pays signataires dans ce domaine.
La troisième
partie de ce chapitre du traité est sans doute
l'une des plus importante puisqu'elle énonce
un moratoire effectif de 10 ans à partir de la
signature du traité, pour les unités lourdes,
en excluant les reconstructions dans les limites du
tonnage autorisé. Il était spécifié
également que les signataires du traité
devaient se communiquer toutes les informations utiles
concernant les caractéristiques générales
de leurs nouveaux navires, à l'exception des
informations de détail ( armement, blindage ),
techniques ou structurels et classés secret défense...
Le reste du traité précisait les définitions
des navires cités dans les articles plus haut,
du déplacement standard, et spécifiait
possible qu'un nouveau traité soit négocié
8 ans après le début effectif du traité
présent, mais que sa date d'expiration exacte
était le 31 décembre 1936. Il annonçait
en quelque sorte la conférence de Londres, en
1930.
Bien entendu
les enseignements à posteriori de ce traité
sont nombreux. Tout d'abord, c'est le plus ambitieux
texte de désarmement naval jamais entrepris dans
l'histoire. Ensuite, c'est un texte qui "gêle"
artificiellement les mouvements les mouvements de militarisation
comme celui inité en 1919 par le Japon, lequel
ne ratifiera le traité qu'au prix de lourdes
concessions des USA, devant renoncer en partie au renforcement
de ses bases navales, ou de la Grande-Bretagne, qui
devait mettre fin pour prétendre à la
parité avec le grand frère Américain,
à son l'accord naval Anglo-Japonais, en vigueur
depuis 1904. Le Japon ne voyait dans cette relégation
à un ratio inférieur qu'une véritable
provocation "raciale", qui renforça
le nationalisme naissant, et lui donna des a priori
largement confirmés au moment du traité
de Londres de 1930.
Il permettait
cependant aux différentes Nations de pouvoir
continuer une politique navale sereine tout en économisant
les deniers du contribuables ( si ce n'est le gâchis
généré par la démolition
de navires interdits et en achêvement en 1922
). Au final, ce traité fut bénéfique
par sa rationnalisation, en particulier pour les marines
Françaises et Italiennes, qui avaient une homogénéité
bien supérieure. Cependant, cette rivalité
imposée par le traité n'était pas
du tout "digérée" par la France
qui y voyait une amputation manifeste de son potentiel
au regard de son empire et de sa grandeur passée.
Les plus vindicatifs contre le traité stipulaient
que la France aurait eu presque autant de "Capital
Ships" que la Grande-Bretagne si son plan de 1912
avait été mené à terme.
Or, la grande guerre signa une intrruption de 4 ans,
ce qui lui aurait donné un ratio au moins égal
à celui du Japon. En 1923, le représentant
Français fit insérer au protocole de ratification
qui donnait le champ libre à la France pour ses
unités autres que ses navires de ligne... Ce
ne fut pas la seule note discordante après-coup
: Un traité de limitation navale complémentaire
fut tenté envers l'URSS, concernant les pays
de la Baltique ( Allemagne non compris ), puis les pays
Sud-Américains, suivis par la SDN qui le proposa
à bien d'autres pays comme l'Espagne, la Hollande,
la Belgique, et échoua également: Toutes
demandèrent des ratios bien plus élevés
que prévus, avec des plafonds équivalents
à des acroissements de tonnage pour le moins
irréalistes.
Photo extraite de The Illustrated London news, samedi
26 avril 1930
- La Première
Conférence de Londres (22 avril 1930):
Comme annoncé
dans le traité vu ci-dessus, il était
possible au bout de 8 ans de renégocier ou de
préciser en conférence des aspects du
traité. La situation des différentes flottes
avait changée notamment en fonction de l'arrivée
de nombreux porte-avions reconstruits, des premiers
croiseurs lourds et léger, ou destroyers. Egalement,
les cuirassés et croiseurs de bataille en service
avaient étés modernisés ou s'apprêtaient
à l'être.
La situation
internationale avait notablement évoluée.
Les 5 signataires du traité de Washington étaient
de nouveau présents et l'Allemagne en était
encore exclue, de même que l'URSS à présent
stabilisée et en cours de réarmement.
La situation internationale semblait pacifiée
d'avantage avec en 1925 le traité de Locarno,
instituant un "gel" des revendications territoriales
et un statu quo diplomatique, puis le pacte Briand-Kellog
qui renonçait à la guerre come instrument
de politique étrangère. Mais ce fut aussi
en 1927 le début du militarisme Nippon avec l'arrivée
au pouvoir du général Tanaka Giishi, et
de l'adoption du mémorandum de Tanaka. Enfin,
l'année précédent la conférence,
c'était bien sûr le crash de Wall street,
mais dont les conséquences ne se feraient sentir
qu'un peu plus tard en France et en Grande-Bretagne.
La France
de son côté, échaudée par
les limitations "arbitraires" fixées
pour elles à Washington, n'avait de cesse de
remettre en cause le ratio évoqué, et
ses représentants, dont l'amiral Darlan, avaient
préparé des dossiers précis comprenant
des besoins évalués à un tonnage
global de 800 000 tonnes, équivalent à
une nécéssité de réponse
envers la flotte Italienne en méditerranée,
à la flotte Allemande en cas d'incursion en mer
du nord, et de répondre à la protection
des lignes commerciales de l'empire et des colonies,
avec une marge de sécurité. Elle allait
devoir rapidement déchanter. Voyant notamment
la fermeté des trois grandes puissances navales
à ne pas céder sur l'extension des cotas
et limitations de Washington à toutes les catégories
de navires, elle refusera de ratifier ces dispositions,
l'accord se faisant finalement à trois.
L'article
1 de ce court traité de Londres confirmait le
moratoire de construction de navires de ligne jusqu'en
1936. L'article 2 énonçait un certain
nombre de navires qui pouvaient êtres convertis
en navires-cibles ou démolis, et donc remplacés,
ou bien convertis en navire-école. ( avec des
précisions très strictes: Blindage enlevé,
blockhaus également ) Concernant les USA, l'Arkansas
et le Wyoming étaient cités, ils restèrent
en ligne ( mais le Wyoming fut converti en navire-école
). Au Japon, le croiseur de bataille Hiei, datant de
1913, était ausssi concerné, mais si officiellement
il fut converti en navire-école, on le réarma
rapidement la veille de l'attaque de Pearl Harbor...
Enfin, le HMS Iron Duke était nommément
désigné comme tel, et fut effectivement
converti.
L'article
3 détaillait les différents arrangements
pour l'embarquement et l'utilisation d'avions sur les
navires, interdisant toujours les hybridations à
partir de navires de ligne mais permettant des facilités
pour hydravions, ou même pour avions, l'article
4 rappelant qu'aucun PA avéré de 10 000
tonnes et armé de pièces de plus de 155
mm ne pouvait être construit. La partie II du
traité énonce la définition du
"tonnage standard" pour les submersibles*,
et autorise la construction d'unités de 2000
tonnes armées de pièces de 130 et des
unités de 2800 tonnes armées de pièces
de 155 mm, avec mention dérogatoire de calibre
pour le Surcouf Français. ( Avec l'Argonaut Américain
et le XI Britanniques, dérogatoires par le tonnage.
L'article
8 précisait concernant les unités légères
de surface, que celles-ci pouvaient êtres construites
de manière illimitée, mais devaient répondre
à certains critères: 600 tonnes standards
au plus, une seule pièce de 155 mm acceptée,
4 pièces de 76 mm et plus, pourvu de TLT, et
capable de filer à plus de 20 noeuds.
Une partie
additonnelle précisait concernant les ravitailleurs
d'escadre, navires-ateliers, et autres bâtiments
utilitaires, auxiliaires, qu'il leur était interdit
de posséder un canon de 155 mm, ou plus de 4
pièces de 76 mm, des TLT, de faire plus de 20
noeuds, de posséder un blindage, de pouvoir mouiller
des mines, de posséder une piste d'appontage,
mais de posséder une catapulte et des hangars
était autorisé, de même que l'emport
de trois appareils. Ces navires aussi pouvaient êtres
construits ou conservés sans aucune limite de
tonnage.
L'article
12 rappelait l'obligation de transparence et d'informations
des signataires concernant leurs navires neufs, et autorisait
le remplacement d'un certain nomre de navires Japonais.
L'article 13 précisait aussi que tous les bâtiments
ancrés dans les ports et considérés
comme pontons ou casernes flottantes, ou dépôts,
échappant aux règles de limitations, ne
devaient en aucun cas êtres en mesure de pouvoir
prendre la mer. L'annexe 1 du traité amenait
un certain nombre de précisions concernant les
remplacements, par tonnage et année, confirmant
en outre qu'un navire perdu en mer pouvait être
remplacé immédiatement sans contraintes
de temps.
L'annexe
II continuait dans ce sens précisant que les
navires qui pouvaient êtres conservés en
service devaient appartenir à des catégories
bien spécifiques, des coques à ferrailler
( en attente de démolition ), des coques utilitaires
( tractées ou remorquées et servant de
contenant ou de ponton ), des navires cibles ( là
encore avec des caractéristiques rigoureuses
), des navires utilisés pour l'expérimentation
uniquement ( de Machines par exemple, toujours désarmés
), et enfin des navires-école, qui était
à l'autre bout de la chaîne. ( La Jeanne
d'Arc Française, bien, dessinée spécifiquement
pour l'écolage, avait un blindage, même
peu épais, et possédait une petite tour
protégée, assimilée à un
blockhaus et rentrait donc dans la catégorie
de croiseurs et non celle évoquée plus
haut ). Les différentes sections suivantes permettaient
d'en donner le détail, la dernière listant
par pays les navires "dérogatoires"
au traité et pouvant être conservés.
La partie
III du traité définissait la distinction
entre croiseurs légers et lourds ( plus ou moins
de 155 mm pour le calibre de l'artillerie principale
), un destroyer de plus de 1850 tonnes standard et armé
de pièces de plus de 130 mm, pouvant être
défini comme un croiseur léger. L'article
16 donnait ensuite le tonnage précis des unités
de chaque catégorie pouvant êtres utilisés
par la flotte des USA, de la Grande-Bretagne et du Japon.
Les Etats-Unis s'accordaient ainsi 180 000 tonnes de
croiseurs lourds, 146 800 à la grande-bretagne
et 108 400 au Japon ( ces tonnages précis prenaient
en compte les unités déjà en service
et celle prévues, à dix tonnes près.
). Par exemple, les 192 200 tonnes accordés à
la Grande-Bretagne** en tant que croiseurs légers
( plus que les USA ) s'appuyait sur la flotte de bâtiments
des classe C et D qui dataient de 1917-19, et par conséquence
étaient encore en service. Par contre en matière
de destroyers, les deux puissances Anglo-saxonnes s'accordaient
45 000 tonnes de plus que le Japon, ce dernier relégué
à 105 200 tonnes, sans doute en partie pour le
dissuader de construire trop de ses nouveaux redoutables
navires de la classe Fubuki, construits peu avant la
conférence, et qui instauraient une nouvelle
norme de puissance de feu. En matière de submersibles,
en compensation sans doute, les trois Nations se trouvaient
à égalité en pouvant disposer de
52 700 tonnes d'unités.
Enfin,
ce même article 16 autorisait les USA à
avoir en service 18 croiseurs lourds, 15 pour la Grande-Bretagne
et 12 pour le Japon. Il n'autorisait pour les destroyers
que 16% de navires dépassant 1500 tonnes, dont
les pays concernés feront, sauf le japon, des
destroyers "standards" et des "leaders
d'escadres", et exigeait que pas plus de 25% des
croiseurs disposent d'une aviation embarquée.
L'article
22 ( partie IV du traité ) est l'un des plus
intéressant, en énonçant des règles
de "bonne conduite" des submersibles ( et
navires de surface agissant en corsaires ) dans la guerre
au commerce. Il est spécifié au regard
de la loi internationale qu'un navire de commerce, cargo
ou paquebot, devra obligatoirement avoir son équipage,
ses passagers, et son registre et son livre de bord
mis en sécurité avant destruction du navire
après les sommations d'usage. Le commandant du
corsaire devant s'assurer que s'il laisse les naufragés
dans leurs chaloupes, que ces derniers ne soient pas
en danger et secourus par la présence de la proximité
de la côte, d'un autre navire, ou laissés
par temps calme. Il était énoncé
plus loin que cette règle était valable
en droit ad vitam eternam et non jusqu'à l'expiration
du traité. On sait ce qu'en feront une partie
des sous-mariniers Allemands au plus fort de la bataille
de l'Atlantique et en Arctique...
En fait,
cette clause doit être resituée dans son
contexte. Le premier Lord de l'amirauté, Sir
Lee of Farenham, en partie à cause de la tradition
de 'fleet in being" Britannique, et du souvenir
cuisant des U-Bootes en 1914-18, s'oppose farouchement
à la construction de submersibles. La France
de son côté, y est particulièrement
attachée, non seulement pour des raisons historiques
( pionnière en la matière, jeune école,
etc... ), mais aussi pratique: Ces bâtiments menaçants
pour les unités lourdes constituent une arme
défensive de choix peu onéreuse. Par ailleurs
la France à des succés à l'exportation
qu'elle ne veut pas freiner. Le différent se
règle par l'adjonction de cet article, qui autorise
ces unités mais diminue du même coup leurs
capacités offensives par des conditions d'emploi
qui ne se prêtent pas à leur nature. Tous
les submersibles qui n'appliquaient pas ces règles
contraignantes devaient êtres déclarés
comme pirates. Cet article acheva de mécontenter
la France, et il sera finalement modifié, supprimant
la notion et le terme de "piraterie".
Le traité
de Washington devant s'achever en décembre 1936,
les différentes nations impliquées devaient
se réunir en 1935 afin de mettre en place les
bases d'une succession du traité, prolongation,
modification, ou nouvelle négociation. Globalement
le traité de Londres tentait, en plus de maintenir
et de préciser ce qui avait été
fixé, de limiter les moyens maritimes du Japon,
de plus en plus menaçant. Il faut également
signaler que l'Italie ne ratifiera pas non plus toutes
les clauses de ce traité, estimant son tonnage
insuffisant, notamment tant que la France refusait elle-même
cette parité.
Les tractations
vont continuer à Genève, concernant la
ratification finale des Français et des Italiens,
par l'intermédiaire d'un négociateur Britannique,
Craigie, aboutissent finalement à des concessions
et à une réévaluation du ratio
de washington et du tonnage accordé aux bâtiments
de lignes ( 181 000 tonnes au lieu de 175 000 ), mais
surtout l'Itlaie et la France pouvaient exercer leur
droit de construction d'unités de ligne neuves
en remplacement des anciennes dès ratification
( 1932 ) et avant l'expiration du traité en 1936.
Ce que les Français feront en entamant les deux
Dunkerque.
La parité
fut toutefois maintenue, au bénéfice de
l'Italie, puisque celle-ci avait en outre pu moderniser
bien plus complètement ses unités que
les vieux dreadnoughts Français hors d'âge,
maintenus uniquement pour arriver à ce tonnage.
Mais les deux acteurs, devant également l'inransigeance
Britannique à ne pas voir la France disposer
de la flotte qu'elle désirait, refusèrent
au bour du compte le compromis final, et la ratification
pleine et entière du traité de Londres
par les 5 signataires de Washington se solda par un
échec.
En 1934,
la situation se dégrade encore, avec la dénonciation
par le Japon du traité de Washington, suivi de
la France, qui sans le dénoncer officiellement,
devant le net refroidissement des relations diplomatiques
avec l'Italie et la menace grandissante d'un réarmement
masif de l'Allemagne, déclare ne pas être
liée par les cotas définis à l'origine.
*Le tonnage
standard pour les submersibles concerne une unité
en "ordre de marche", mais dépourvu
de liquides à bord, mazout, lubrifiants, huile,
eau de mer ( ballasts ) et eau potable.
** Pour l'anecdote, le titre diplomatique complet était
, concenant le signataire, "sa majesté le
Roi de Grande-Bretagne, d'Irlande, et des dominions
Britanniques par delà les mers".
-L'Accord naval
Anglo-Allemand (18 juin 1935)
Arrivé
après la conférence de Stresa, cet accord
signé entre la Grande-Bretagne, la France et
l'Italie en vue d'empêcher l'Allemagne d'un réarmement
trop rapide, et brisé à la suite de l'invasion
de l'Ethiopie par Mussolini, la Grande-Bretagne se voit
presque contrainte par les ambitions du IIIe Reich de
lui proposer un "gentleman agreement" portant
sur un ratio lui permettant une marge de manoeuvre (
qui fut exploité comme une première faille
), et une garantie qu'une nouvelle "Hochseeflotte"
ne puisse se reconstituer. La Grande-Bretagne envisageait
un rapprochement entre l'Italie et l'Allemagne, mais
elle ne pouvait imaginer les conséquences d'une
alliance ( peu vraisemblable ) entre la France et ces
deux autres pays d'Europe Continentale.
Cet accord
se fait par l'intermédiaire de notes d'ambassades,
sans consultation de la France ( évidemment ),
et permet au IIIe Reich de posséder dans un premier
temps une flotte équivalente à 35% de
la Royal Navy, relevé à 45% pour les sous-marins.
Il est confirmé par une déclaration le
17 juillet 1937, qui officialise du même coup
la ratification de l'Allemagne au second traité
de Londres. Devant les appétits et l'inflexibilité
d'Hitler, le traité de versailles est presque
enterré. Ce dernier n'envisageait d'ailleurs
pas un affrontement avec la Royal Navy, notamment du
fait de la grande estime qu'il portait au peuple Anglais
( "peuple dominant, peuple frère" ),
et de la possibilté d'une alliance future pour
un partage du monde, dirigé notamment contre
les pays "décadents", "sclérosés
par le complot judéo-maçonnique"
et les Bolchéviques, que le Royaume-Uni avait
traditionnellement en horreur.
Cet accord en tout cas ressemblait à une "mise
en bouche" avant l'effondrement de Munich...
-La seconde
conférence de Londres (25 mars 1936).
Ce fut
en décembre 1935, un an avant l'expiration du
traité fondateur de Washington, dans une ambiance
diplomatique nettement plus fébrile ( Le poids
de l'Allemagne et de ses revendications croissantes,
en particulier contre le traité de Versailles,
la montée en puissance de l'URSS ( entrée
à la SDN en septembre 1934 ) et son implication
dans la politique Européenne, le renforcement
de la politique militariste au Japon... ), que la seconde
conférence de Londres prit place entre 3 des
anciens co-signataires, les puissances démocratiques
Occidentales: Les USA, la France et la Grande-Bretagne.
L'Italie désormais sous la botte d'un Mussolini
plus agressif, mis au banc des Nations après
son invasion de l'Ethiopie, estime que les sanctions
de la SDN doivent êtres levées comme préalable
avant toute négociation, et devant le refus,
se retire. Le Japon, qui exigeait d'entrée la
parité avec l'US navy, se verra également
gratifié d'une fin de non-recevoir et claquera
la porte. La France, enfin, se laissa convaincre, plus
pour faire barrage à une signature incluant l'Allemagne,
que par agrément. L'italie ratifiera finalement
le traité après la levée des sanctions,
en 1938.
L'accord
conclu prolonge le traité de Washington jusqu'en
1942, mais au bénéfice des navires mis
en retraite, de nouveaux cuirassés peuvent enfin
êtres construits. Par contre deux décisons
sont prises: D'abord, le tonnage standard maximal autorisé
sera à terme de 45 000 au lieu de 35 000 tonnes.
A contrario, le calibre maximal autorisé, devait
passer de 406 à 356 mm, mais ce protocole fut
refusé par le Japon et ne sera pas retenu au
final. ( Le Yamato et le Musashi étaient à
l'époque déjà à l'étude.
). Le tonnage des porte-avions est ramené de
25 000 à 23 000 tonnes, et celui des croiseurs
lourds de 10 000 à 8000 tonnes standard. D'ailleurs
la catégorie intérmédiaire 8000-17
500 tonnes est interdite pour les croiseurs ( au-dessus,
c'est l'étage "navire de ligne" ),
notamment pour éviter que se reproduise la construction
d'unités comparables aux Deutschland Allemands.
Enfin, il est interdit de vendre à un pays des
unités déjà en service à
des marines étrangères ( on se souvient
du Yavuz Turc, ex-Goeben en 1914 ). En outre les informations
que se doivent les pays sur leurs navires en constructions
doivent êtres bien plus détaillés
que par le passé. On ne s'étonne pas que
par la suite les non-signataires que furent l'Allemagne
et le Japon sortent coup sur coup des unités
très au-dessus des limites autorisées,
en usant, pour l'un de fausses informations, et pour
l'autre d'une pure et simple dissimulation.
A la suite de la ratification du
traité, en mars 1936, outre la ratification a
posteriori de l'Italie, en 1937, et de l'Allemagne,
les Britanniques tenteront d'y joindre les signatures
de l'URSS ( acquise en juillet 1937 ), de la Pologne
( en avril 1938 ), et des pays Scandinaves et frontaliers
de la baltique, Norvège, Suède, Finlande,
Danemark, avec des tonnages très au-dessus de
leurs moyens et de leurs capacités industrielles
( un comble pour un traité de désarmement
). Mais le 30 juin 1938, le protocole additionnel rend
effectif le relèvement de tonnage de 35 à
45 000 tonnes ( à l'instigation des USA qui entendaient
bien garder une supériorité absolue sur
la marine japonaise, avec leurs New Jersey puis leurs
Montana qui dorment dans leurs cartons ). Le japon,
avait refusé cette prolongation du traité
de Washington et s'estimait libéré de
toutes contraintes... Ce future membre de l'axe n'allait
pas tarder à être rejoint par l'Allemagne,
le 27 avril 1939, au moment ou le IIIe Reich dévoilait
le Bismarck. Ce fut le dernier coup de griffe au traité
de Washington. Désormais, le brouhaha des salles
de réunions et le silence feutré des cabinets
diplomatiques allaient laisser la place au pas cadencé
des bruits de bottes...
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