La guerre froide commence en 1947. Forte du prestige
de l'armée rouge, écrasant les hordes
nazies durant la "grande guerre patriotique"
dans le beau rôle de l'agressé, forte
des nombreux mouvements de résistance pro-communistes
à travers l'Europe occupée et de réseaux
de sympathies ou d'électeurs au sein même
des grands pays occidentaux, l'URSS devient un empire
à vocation internationaliste, toujours sous
l'égide féroce de Staline. Désormais
membre permanent de l'ONU, l'Union Soviétique
est l'un des grands vainqueurs de la guerre, et
cet empire à besoin d'une flotte à
la hauteur de ces nouvelles ambitions, afin d'étendre
la révolution au monde, mais aussi une force
capable d'opérer sur cinq théâtres
d'opérations, en mer Noire (Sébastopol),
en arctique (Mourmansk, Polyarnyi), en baltique
(Kaliningrad), et dans le pacifique (Vladivostock,
Petropavlovsk). Une force capable donc d'intervenir
à travers le monde pour soutenir l'émergence
de régimes communistes parmi les jeunes Nations
issues de la décolonisation.
Pour contrer L'US Navy, enfin, bras armé
du capitalisme qui, ajouté aux flottes Britanniques
et Françaises, dispose au sein de l'alliance
Atlantique d'une suprématie navale absolue.
Ses choix tactiques seront surtout dictés
par la volonté de mener une guerre "scientifique",
de s'extraire des schémas classiques des
flottes de surface en faisant largement appel aux
missiles dans la conception des bâtiments,
mais aussi dans l'emploi de forces aériennes
spécifiques et de bombardiers à long
rayon d'action. (Tupolev Bear, Badger, puis Blinder
et Backfire- voir le chapitre sur l'aéronavale
soviétique)
Pour toutes ces raisons, et grâce à
des budgets colossaux, la marine Russe va sortir
de ses cendres de 1917, et, après le plan
de réarmement naval de 1937, troisième
plan quinquénnal, va en lancer un nouveau,
considérable, qui commence en 1946, prenant
le relais de celui de 1936, mais inachevé
à cause de la guerre. Les croiseurs des classes
Chapayev et Sverdlov, les destroyers de la classe
Skoriy, et les sous-marins de la classe "Whiskey"
(nom de code Otan), constitueront une première
flotte classique à la hauteur de ses ambitions,
et constituent le gros de ses forces en 1960. Staline
avait la volonté de doter l'URSS de 24 cuirassés
et croiseurs de bataille, 20 croiseurs, 350 submersibles,
mais ce plan ne fut pas approuvé. Un nouveau
plan fut préparé, pour la période
de 1938 à 1947, comprenant cette fois 50
navires de ligne, 35 croiseurs, 607 destroyers et
dragueurs de mines, frégates, 336 submersibles
et 348 torpilleurs, mais aussi deux porte-avions.
Il ne fut pas non plus approuvé, bine que
réduit plus tard à sa plus simple
expression. Le plan quinquénnal final de
1938-42 incluait 6 navires de ligne, deux porte-avions,
4 croiseurs lourds et 17 légers, 12 destroyers
lourds, 197 submersibles et 271 navires plus petits.
Une partie de ce plan fut réalisée:
destroyers, submersibles, croiseurs, mais ni les
cuirassés de la classe Sovietski Soyuz ni
les croiseurs de bataille de la classe Kronstadt,
ni non aucun porte-avions ne furent terminés.
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L'amiral Kuznetsov (1904-1974),
rénovateur de la flotte soviétique
en 1945. (img. Wiki DP)
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L'Amiral Kusnetzov, à la tête de la
marine, fit des coupes sombres dans ce programme
afin de favoriser les unités légères,
plus à même de combattre l'ennemi (navires
fluviaux et submersibles), que les grosses unités
voulues par Staline, prestigieuses mais désuettes
et inappropriées. Le second plan de 1943-47,
sur lequel s'était porté les attentes
en matières d'unités lourdes ne vit
jamais le jour du fait de l'avance spectaculaire
de la Wermacht après le déclenchement
de Barbarossa. Priorité fut donnée
aux forces terrestres et aériennes. Cependant,
en 1945, si la plupart des chantiers importants
à l'ouest avaient étés dévastés
par la guerre, l'avance des troupes rouges avaient
abouti à la prise de nombreux chantiers en
Allemagne de l'est, dont Schichau à Elbing,
Königsberg, rebaptisé Kaliningrad, et
surtout les usines ou étaient produits les
révolutionnaires U-Boote type XXI, sans compter
les laboratoires et arsenaux ou les ingénieurs
Allemands préparaient et expérimentaient
nombre de missiles antinavires et de techniques
propulsives très avancées, comme ses
hydroptères, les torpilles à tête
chercheuses, les radars et sonars, de même
que du marériel en provenance des alliés
del'ouest au titre de l'accord lend-lease.
On s'attacha alors en 1945 à travailler
sur des versions modifiées des navires du
plan de 1938-42 ( plan 1946-50, incluant les navires
de ligne de la classe Stalingrad ), et à
plancher sur une toute nouvelle définition
de la flotte, basée principalement sur les
missiles à longue portée, et conformes
aux moyens industriels de l'URSS à ce moment.
( plan 1956-60 ). Le premier devait être poursuivi
sur dix ans et incluait 4 navires de ligne ( Stalingrad
), 10 croiseurs lourds, 30 moyens et 54 légers,
6 grands porte-avions et 6 légers, 132 destroyers
lourds et 226 légers, 495 sous-marins, et
600 autres unités. Le nouveau plan de 1960
intègre les premières unités
qui prennent en compte le nucléaire, aussi
bien pour la propulsion que l'armement, et qui changent
encore la donne, ce qui justifie le choix de cette
date pour arrêter une grande période,
celle de la dernière flotte "classique"
soviétique.
Petit bréviaire des sous-mariniers russes
( à en perdre son cyrillique ):
SNA: sous-marin nucléaire d'attaque
SA: sous-marin d'attaque ( diesels-électrique
)
SLE: sous-marin lanceur d'engins ( diesel-électrique
)
SNLE: sous-marin nucléaire lanceur d'engins
balistiques
SNALE: sous-marin nucléaire d'attaque lanceur
d'engins
SALE: sous-marins d'attaque ( diesels-électrique
) lanceurs d'engins
La marine soviétique
en 1960:
La flotte soviétique de 1960 est issue des
plans qinquénnaux de 1938-42, 43-47 ( largement
abandonné ), 46-50 et 50-56. En 1945, son
tonnage était relativement important, bien
que très loin des supergéants qu'étaient
l'US Navy et la Royal Navy. Cette flotte "classique",
composée de navires armés de canons,
se classe en troisième position, reprenant
la place qu'occupait la flotte Japonaise en 1941.
-Navires de ligne:
La flotte comptait les deux très anciennes
unités survivantes de la classe Marat (1911),
qui certes modernisées n'étaient pas
du tout aux standards imposés par la stratégie
navale d'après-guerre. l'Oktabrskaya Revolutsiya
et le Sevastopol, retirés du service en 1950
et 1954, existaient encore à flot en 1958.
Suite à l'accord Lend-lease, la Grande-Bretagne
transféra à l'URSS le cuirassé
Arkhangelsk (ex Royal Sovereign, classe Resolution,
1915) qui retourna à ses premiers propriétaires
en 1948, et suite aux dommages de guerre accordés
en 1946, elle opéra jusqu'en 1955 le cuirassé
Novorossiysk, ex-italien Guilio Cesare (1911). D'une
valeur militaire très limitée du fait
de leur conception désuette, ces navires
palliaient difficilement l'absence des unités
lourdes prévues aux plans de 1938 et 1943:
Premiers projets:
Les cuirassés de la classe Sovietskiy Soyuz:
Ces trois unités mises sur cale en 1938 et
1939 au titre du premier plan restèrent inachevées
du fait des hostilités. les coques furent
démolies dans les années 40. Les croiseurs
de bataille de la classe Kronstadt, mis en chantier
en 1939, n'étaient guère plus avancés.
Seconds projets: Au titre du plan de 1943-47, et
revu pour le plan de 1950-56, les trois grands croiseurs
de bataille de la classe Stalingrad, mis en chantier
en 1951, 52 et 55, auraient dû êtres
achevés en 1954-58. Ils auraient étés
certes dépassés du fait de la suprématie
des missiles, ce qui motiva leur annulation par
l'amiral Kusnetsov juste après la mort de
Staline. Ce dernier avait en effet sur la flotte
des conceptions surrannées, visant la construction
d'unités lourdes comme autant de navires
de prestige.
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Destroyer
de la classe Kotlin (Vozbuzhdenyy) img. Wiki
DP.
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-Croiseurs:
En 1945, la flotte comprenait 8 croiseurs, les vieux
Profintern et Krasnyi Kavkaz, et ceux des classes
Kirov et Gorky, plus modernes. En construction depuis
1938-39, les Chapayev, ne virent pas le feu des
combats puisqu'ils entrèrent en service entre
1949 et 1950. Ces 5 unités du plan de 1938-43
servirent jusqu'en 1960-61. Ils furent suivis par
la classe Sverdlov, 14 unités lancées
entre 1950 et 1955. En 1942-45, l'URSS opéra
brièvement le Tallin, ex-Lützow, transféré
par Hitler à Staline au titre du pacte de
non-agression. Le Tallin, jamais achevé et
utilisé comme batterie AA flottante, sera
démoli en 1958. Le Murmansk était
l'ex-USS Milwaukee de la classe Omaha ( 1922 ),
transféré et entré en service
en 1944 et retourné à ses propriétaires
en 1949, de même que l'ex-croiseur Italien
Duca d'Aosta, sous le nom de Kerch.
-Destroyers:
La plupart des unités du plan de 1936, ceux
de la classe Gnevnyi, et les destroyers lourds de
la classe Leningrad, furent perdus pendant le conflit.
Les unités survivantes en 1945 étaient
moins d'une vingtaine ( voir flotte Soviétique
1939-45 ). Les 14 unités de la classe Ognevoi
, terminés pour deux d'entre eux en 1944-45
et en 1945-49 pour les autres, étaient en
service en 1960, ils faisaient donc partie des effectifs
de la flotte à cette date, bien que leur
conception remonte à 1936. On retiendra surtout
la mise en service des 51 destroyers de la classe
Skoryi ( 1949-52 ), d'une conception traditionnelle
héritée des Ognevoi. Ils furent suivis
par une nouvelle génération à
coque Flush-deck, les 32 Kotlin, précédés
du prototype Neutrashimmy. Les Kotlin entrèrent
en service entre 1955 et 1958, et furent par la
suite largement modernisés, notamment par
des conversions lance-missiles ( Kildin ). Enfin
ceux de la classe Krupny, suivaient en 1959-60.
Ces 8 unités étaient les premiers
destroyers lance-missiles conçus comme tels
en URSS. cependant, ils ne sont pas comptabilisés
dans le tonnage ici étudié car ils
entrèrent en service courant 1960-62.
-Frégates:
En 1945, il y avait encore les 13 navires de la
classe Uragan ( 1929-35 ), de 450 tonnes, mais qui
arrivèrent à l'issue de leur carrière
d'active en 1958, et furent rayés l'année
suivante. Les dix Yastreb plus puissants ( 900 tonnes
) et plus récents ( 1940-41 ), et tous, sauf
le Yastreb, étaient en service en 1960, et
furent retirés en 1963-66. La première
classe de l'après-guerre était très
inspirée des torpilleurs allemands du type
1939, à coque flush deck. Les Russes reprirent
donc ce design et leur style "destroyers".
Ces 8 navires de la classe Kola furent mis en service
en 1952-54. Ils furent suivi par la série
des Riga, ( 1955-59 ), 68 bâtiments un peu
plus petits. Cependant 8 unités furent transférées
avant 1960 à la Bulgarie, la RDA, la Finlande.
-Sous-marins:
La flotte impressionnate de submersibles de la seconde
guerre mondiale était pour partie encore
en service en 1960, et comprenait en 1945 les classes
M et V côtiers ( 90 unités ), les Shch
moyens ( 76 unités ), les vieux océaniques
du type L ( 28 ), ceux du ype S ( 33 ) et K ( 14
). Tous étaient très classiques dans
leur conception, remontant aux années 30.
Ils étaient évidemment dépassés
en regard des nouveaux sous-marins issus des U-boote
type XXI. En 1960, Il restait en service 75 submersibles
côtiers, 13 moyens et 43 océaniques.
Leur remplacement était conditionné
à la mise en service effective des nouvelles
générations de sous-marins Russes,
ceux des classes 'Whiskey' ( "W" nom de
code OTAN ), construits à raison de 215 exemplaires
entre 1951 et 1958. Ils furent suivi par les 'Zulu',
à raison de 18 unités, des variantes
océaniques à long rayon d'action des
premiers. Ils furent construits entre 1952 et 1955.
Une nouvelle classe est apparue en 1957, la classe
'Romeo', version améliorée des Whiskey,
dont au total 21 exemplaires seront construits,
dont 5 en service en 1960. Il y avait enfin ceux
de la classe 'Quebeck', 30 unités côtières
contruites entre 1950 et 1958.
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Sous-marin
de la classe Whiskey (1949-58) (img Wiki DP)
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Toutes ces unités avaient des propulseurs
classiques, avec une emphase sur la puissance électrique
leur permettant entre 13 et 16 noeuds sous l'eau
en pointe, ce qui était bien meilleur que
les performances moyennes des générations
précédentes ( 7-9 noeuds ), mais encore
limité face aux systèmes de propulsion
Walter. Le premier sous-marin Russe à bénéficier
des recherches des ingénieurs Allemands en
1942-45 fut le S-99, 'Whale' pour l'OTAN, lancé
en 1952 après de nombreuses modifications,
et basé sur les U-Boote type XXVI, successeurs
des XXI qui n'existaient que sur les cartons à
dessin. Ce projet 617 posa de nombreux problèmes
de mise au point. Néammoins durant ses 98
sorties jusqu'en 1959, la turbine Walter se montra
capable de lui donner une vitesse de 22 noeuds sous
l'eau. Il fut victime d'une explosion pour cause
de surpression à 80 m de profondeur, renfloué
et jamais réparé. Le projet 643, plus
grand, ne fut jamais achevé et testé.
Le nucléaire rendait caduques ces tentatives
de propulseurs en cycle fermé.
-Divers:
En 1945, la flotte Russe disposait de 400 vedettes
lance-torpilles ou armées de canons, comprenant
des unités "lend-lease" d'origine
américaine ( Elco, Higgins, etc... ). Tous
furent retiurés du service avant 1960, pour
faire place nette aux nouvelles unités lance-missiles
de la classe Komar. Il est à noter que les
soviétiques alignaient encore en 1960, 90
vedettes lance-torpilles de la classe 'P2', ( 1944-46,
et 1947-52 ), 349 de la classe 'P4' ( 1947-52 ),
inspirés des 'Higgins' pour les premiers.
Il y avait aussi en service 63 chasseurs de sous-marins
conçus sur la même coque, du type MO-V
( 1948-52 ). Ils furent suivis en 1951-55 par les
622 unités des types P6, P8 et P10, très
similaires, mais largement redistribués aux
pays amis et satellites avant 1960. De sorte que
sur ce total, l n'y avait que 513 en service, dont
60 furent converties en navires-cibles, d'autres
en hydrofoils d'essai. Les MO-VI basés sur
sa coque, chasseurs de sous-marins étaient
au nombre de 60, et les vedettes lance-missiles
Komar, au nombre de 112. La corée du Nord
et la Chine, en plus des transferts opérés
dans les années 60 en construisirent des
centaines sous licence.
Il y avait aussi des dagueurs de mines, ceux des
classes Tral ( 1935-40 ), dont 8 avaient étés
envoyés à la corée du Nord
en 1955, les 12 restants seront rayés des
listes avant 1960, et 14 de la classe Polukhin (
1940-46 ), 103 unités légères
de la classe T301 ( 1943-48 ), en service en 1960.
L'URSS utilisait aussi des navires Américains
et Britanniques, les 33 de la classe "Admirable",
et les 14 de la classe MMS ( britanniques ), ainsi
que 43 unités de la classe YMS, tous démolis
avant 1956. Mais le meilleur de cette flotte consistait
en navires ex-allemands, prises de guerre et dommages
de guerre, à savoir 60 dragueurs de mines
des classes M 35, M40 et M43. Ils les étudièrent
largement pour construire leurs propres unités,
celles des classes T43 ( 178 unités construites
entre 1947 et 1957 ), et T58, beaucoup plus grands,
et dont la première série de 30 unités
fut mise en service juste en 1960. Les Russes commandèrent
aussi à Gdansk, en Pologne la construction
de deux séries de dragueurs de mines légers,
côtiers, ceux de la classe TR40 ( 1957-59
) et K8 ( 1954-59 ), à raison de 55 et 130
unités.
La marine fluviale Russe à toujours eu une
importance considérable et les constructions
neuves furent nombreuses: Il s'agissait des patrouilleurs
de la classe Kronstadt ( 157 navires en tout, datant
de 1950-55, mais dont 53 iront aux pays amis avant
1960. ). Ils furent suivis par ceux de la classe
SO-I, dont la construction débuta en 1957
et s'acheva en 1968. La série compta 12 unités,
mais il n'y en avait qu'une poignée en service
en 1960. Le KGB bénéficia de 34 vedettes
de patrouille ( classe Poluchat I ) à partir
de 1955, ldes derniers entrant en service en 1957,
deux chasseurs de sous-marins MO105 et 106, 119
canonnières fluviales de la classe BK (1947-50).
Tonnage 1960:
|
Types
d'unités |
Nombre
d'unités |
Tonnage |
|
Croiseurs |
19 |
|
|
Destroyers |
98 |
|
|
Sous-marins |
400 |
|
|
divers |
90+1296+832 |
|
En 1960 donc, la flotte est en plein bouleversement:
Les premiers sous-marins nucléaires apparaissent,
les "November", qui auront beaucoup de
mal à prouver leur fiabilité. Puis
rapidement, la possibilité d'utiliser des
vecteurs nucléaires à moyenne et courte
portée, vont amener à l'adaptation
des sous-marins classiques, les "Hotel".
Les premiers vrais SNLE apparaissent en 1968; il
s'agit des "Yankee", suivis par la longue
lignée des "Delta", modernes, et
qui se clôt avec la série des gigantesques
"Typhoon".
Suite: La marine Soviétique en 1990.