Un navire Numide Gerzéen (3500 av. JC.)
Parmi les plus anciennes représentations de navires de grande taille, certaines impressionnents commes celle extrapolées des gravures rupestres Gerzéennes au IVe millénaire avant notre ère. Les bateaux peints sur vases nous montrent un type assez souvent représenté de navire à double "cabine" centrale (avec parfois une troisième légèrement différente et plus proche de la proue) et des mâts, dont semble-t'il deux sur la plupart, de taille différentes, à moins que l'un d'eux soit un porte-ensigne. On retrouve ces enseigne au sommet du mât principal. L'autre point commun est le palmier, représenté sans ambiguité, juste en retrait de la figure de proue. La plupart sont parfaitement symétriques, avec une tonture prononcée, et des extrémités sans aucune ornementation, mis à part leur "palmier", toujours en proue. On retrouve également trois pagaies plus importantes à l'arrière (gouvernes) qui restent une constante à l'époque dynastique, et un grand nombre de pagaies (32 par bord, avec une interruption au centre, au niveau des "cabines"). L'illustration ci-dessus est une reconstitution issue du recoupement de ces différentes représentations et appelle donc quelques commentaires:
Le palmier en proue est un motif retrouvé systématiquement sur ces navires Gerzéens (Haute- Egypte et Nubie). Quelle est sa signification exacte? Je laisse cela aux spécialistes de l'époque archaïque Egyptienne. Est-ce un symbole incarnant l'appartenance au pays? Ce palmier avait-il une utilité plus prosaïque, était-ce un porte-bonheur, un symbole réconfortant pour l'équipage qui y voyait en pleine mer un signe rassurant de promesse de retour? L'Oiseau était également révéré de la même façon (voir "bateaux-oiseaux"), puisque en pleine mer, loin de la côte, la présence d'un oiseau en mer indiquait la terre non loin. Toujours-est-il que se symbole se trouvera ensuite dans la forme de feuille de Lotus qu'arboreront beaucoup de navires de l'époque dynastique.
FIG-2
On retrouve aussi les mâts porte-enseigne ( sans voile ) sur de nombreuses gravures. La question de la voile est contestée, mais elle apparaît nettement sur l'une de ces gravures, et le gréément typique à l'arrière des mâts rabattables (double ou simple, l'hypothèse demeure) plaide pour l'utilisation de voiles. Le très grand nombre de pagaies, systématique, de même que l'interruption centrale laisse penser que soit ces navires très tonturés et probablement assez fins devaient compter au total 64 rameurs, ce qui semble énorme en comparaison d'unités plus tardives: On ne vit jamais sur des gravures et bas-reliefs postérieurs, et jusqu'à 1000 av. JC., de navires Egyptiens à plus de 16 rameurs par bord. Il va sans dire également que 64 rameurs représenteraient un poids considérable sur un bateau souple... Mon opinion personelle est que la gravure possède avant tout une charge symbolique, et représentant non une nage de bordée, mais les deux nages simultanément, ce qui nous ramène à 32 rameurs, 16 par bord, et ce qui est nettement plus raisonnable. Un autre fait est que seuls les minoens puis les Mycéniens, inventeurs possibles de la Pentécontore (25 rameurs par bord) ne purent construire de tels navires qu'avec l'introduction d'une méthode de construction radicalement nouvelle, avec quille et couples. Il semble donc logique de considérer que dépasser 20 rameurs par bord était déjà une gageure avec la technique des bateaux souples.
FIG-3
La "double cabine" systématiquement représentée au centre est intérressante car certaines gravures divergent sur certains points, mais s'accordent sur leur forme: Elles sont hautes ( bien plus que la hauteur de la coque ), très rapprochées, certaines ont même une "passerelle" intermédiaire. Toutes arborent deux ou trois demi-cercle sur leur sommet. S'agit-il de représentations de têtes humaines "dépassant" de leur sommet, de renflements de décorations, de "créneaux", de boucliers? La structure de ces "cabines" semble également stratifiée horizontalement. Il peut sembler possible que ces hautes cabines soient des abris pour l'équipage en temps de pluie, dans le cas d'un navire marchand. Mais il pourrait plus probablement s'agir de "tours", et plus exactement de probables tours d'archers. Trois choses viennent appuyer cette hypothèse: Le nombre de rameurs, axigées pour la vitesse, peu utile sur un navire marchand ou traditionnellement la voile avait le premier rôle, la finesse de la coque, pas véritablement celle d'un navire marchand nécéssairement plus ventru, et l'absence de représentation de marchandises emportées, plaident en ce sens. Il reste également les enseignes de mâts assez voyants, plus utiles pour se reconnaître dans une bataille que sur un navire marchand. Ces gravures montrent aussi des symboles divers, deux triangles, une "double corne" représentée ci-dessus, une quadruple corne en cruciforme, ou encore un éléphant... L'une des ces gravures montrent un ancre, et des cordages à l'avant, symbole classique des navires souples, consolidées par des cordages de maintien en proue et en poupe.
FIG-4 FIG-5
Mais on voit également deux représentations de ce qui pourrait plus probablement être un navire marchand ( plus haut ), sans symbole de tête de mât, avec une coque toujours très tonturée, une voile à l'arrière avec deux gouvernes latérales, une cabine à l'avant et aparemment pas de rames. Ci -dessus suivent des illustrations tirées d'autres gravures. On y voit un navire marchand ( Fig.2 ), avec une cabine à l'arrière cette fois, surmontée d'un "poste de timonerie", une "passerelle" puisqu'on y voit sans ambiguité un homme penché à une rambarde. La figure de proue semble être une tête d'oiseau surmontée d'une "couronne". Il peut s'agir d'un navire marchand. La seconde illustration (Fig. 3) montre un dessin de coque un peu différent, avec une cabine centrale, de nombreux rameurs, et une figure de proue plus difficile à cerner, peut-être une évocation symbolique intégrée à la coque du "palmier" des autres navires militaires. La dernière illustration ( Fig. 4 ) montre un navire militaire Syrien, issu d'une gravure sur un manche de couteau taillé dans une dent d'hippopotame, vers 3500 av. JC. On y voit la représentation d'une bataille navale bien antérieure à celle du delta du nil menée contre les "peuples de la mer" par Ramsès II. Il s'agit d'une bataille navale entre navires Egyptiens et Syro-Mésopotamiens. Ces derniers semblent porter un mât principal devant une cabine et un mât secondaire à l'arrière (un simple porte-enseigne?). L'interpolation de la forme de la proue semble être identique à celle de la tête du mât, avec la classique forme de croissant que l'on retrouvera ensuite chez les Phéniciens, puis les Carthaginois. Mais la forme de la poupe très tonturée pourrait fort bien être interprétée comme croisant le mât arrière, et son "gréément" des traverses... (Fig.5).