Une Dière Punique, dotée d'un pont incomplet, une solution sans doute plus stable que les anciennes galères phéniciennes à galerie superposée (600 av. JC.).
Une trière Punique, appartenant à la flotte de Carthage, première guerre Punique. ( 250 av. JC. ) Noter les éléments caractéristiques comme le "rostre" en pointe, et la "corne arrière", alternative à la queue de poisson traditionnelle. La demi-lune sacrée est aussi un motif récurent.
La Flotte de Carthage est un autre poids lourd de la méditerranée. Héritant de la brillante tradition maritime Phénicienne, millénaire, cette flotte se développa d'abord afin de lutter contre la piraterie, l'empire ( De comptoirs fondés à la suite de Tyr ) Phénicien étant essentiellement marchand et sa flotte défensive. Avec la fondation de Carthage en 1400 av. J.C. soit en même temps que la mythique guerre de Troie, en plein âge du Bronze, les Phéniciens de Tyr s'installaient durablement en méditerranée centrale, la position du port étant stratégique à plus d'un titre: Située juste dans le détroit séparant la Sicile du continent Africain, elle contrôlait les routes commerciales de l'est à l'ouest. Sa position centrale la rendait en mesure de dominer tout le trafic et elle devint tardivement l'adversaire de Rome suite à la dispute concernant la Sicile, l'intervention Romaine à l'appel des Mamertins ( Messine ) conduisant à un fait nouveau pour l'Urbs, celui de développer en un temps record et pour la première fois de son histoire une flotte capable de sortir victorieuse d'une confrontation avec la puissance navale majeure en méditerranée occidentale, dominant incontestablement toute cette zone des colonnes d'Hercules au détroit. En méditerranée Orientale, les Lagides et les Antigonides possédaient une force au moins équivalente.
Une trière Punique, appartenant à la flotte de Carthage, première guerre Punique. ( 250 av. JC. ) Noter les éléments caractéristiques comme le "rostre" en pointe, et la "corne arrière", alternative à la queue de poisson traditionnelle. La demi-lune sacrée est aussi un motif récurent.
Les carthaginois, comme vu ci-dessus ne s'engagèrent jamais dans une course au gigantisme, conservant cependant les meilleures caractéristiques de navires "légers". Tyr, puis Carthage possédaient une quasi mainmise sur le bois de Syrie ou les forêts du nord de l'Afrique, de l'Espagne, des mines très rentables, et une expertise "mondialement" reconnue. Les Romains ne se privèrent pas de mener des missions d'espionnage industriel avec des fortunes diverses. Leurs navires, leurs équipages étaient considérés avec déférence par les auteurs de l'époque. Le port de Carthage était lui-même était considéré avec un intérêt tout particulier car unique en son genre, certains en parlant comme d'une huitième merveille de l'antiquité. Protégé depuis la ville par un haut mur et relié au port civil rectangulaire par un étroit chenal encadré de murailles gardées avec zèle, son secret lui garantissait de pouvoir mettre en ligne rapidement toute la flotte. Les cales à bateaux ont existé depuis sans doute le début de l'âge du bronze aussi bien chez les Grecs, les Perses, que les Puniques, car les trières et dières de l'époque encore assez légères, devaient êtres hissées au sec pour éviter que le bois ne pourrisse et étaient le sujet d'un entretien scrupuleux.
Une heptère Punique. Les dimensions des cales du port militaire de Carthage n'autorisaient que des navires de 4,80 m de large, soit de la dimension d'une trière, dans l'îlot de l'amirauté, à l'exception de deux cales de 7 mètres de large. Les unités lourdes de Carthage on semble-t-il été fort rares, il est tout à fait possible qu'il n'y ait jamais eu de dékère en service dans sa flotte. L'Heptère ci-dessus, directement extrapolée des Pentères de la flotte, ne dépassait pas six mètres de large, tout en embarquant 420 rameurs et 80 soldats: Il s'agissait du navire-amiral de la flotte.
Le port militaire de Carthage
On connaît aujourd'hui le port de Carthage assez bien grâce aux fouilles opérées non loin de Tunis, le Port étant visible depuis l'espace actuellement (voir aperçu Google Earth). Circulaire, il s'organisait en une série de plus de deux cent cales à bateaux de 4,80 m de large environ, permettant de loger des trières et naturellement des dières, mâts couchés et rames rentrées. L'ilôt central, appelé "îlot de l'amirauté" logeait également 30 navires, larges de 5,30 m, longues de 40 et compatibles avec des Pentères ou des Tétrères, mais possédait aussi deux cales plus importantes, sans doute pour loger des navires de la taille d'une Enère( "6") ou d'une heptère, avec 7,30 m. Ils auraient étés cependant trop étroits pour des dékères (Les seules quinquérèmes Romaines mesuraient presque 8 mètres de large à l'époque). Chaque cale comportait une partie supérieure aérée, un "grenier" dans lequel étaient rangés rames, mâts, voiles, accastillage. on trouvait également des salles d'armes, une armurerie et une fonderie, l'arsenal produisant son matériel. Tout était conçu, dans une modernité confondante, pour que la flotte puisse opérer en un temps record et massivement. Les calculs et la reconstitution faites par Henry Hurst (Les dossiers de l'archéologie, marines antiques, N°18 ) vont cependant à l'encontre de la description donnée tout d'abord par Polybe durant la troisième guerre Punique en 149-146 av. JC., dont l'original s'est perdu mais retranscrit par Appien: "Les ports de Carthage étaient disposés de telle sorte que les navires passaient de l'un dans l'autre; de la mer, on pénétrait par une entrée, large de 70 pieds (20,72 mètres), qui se fermait avec des chaînes de fer. Le premier port, réservé aux marchands, était pourvu d'amarres nombreuses et variées. Au milieu du port intérieur était une île. L'île et le port étaient bordés de grands quais. Tout le long de ces quais, il y avait des loges, conçues pour contenir 220 vaisseaux, et au-dessus des loges, des magasins pour les agrès. En avant de chaque loge, s'élevaient deux colonnes ioniques, qui donnaient à la circonférence du port et de l'île l'aspect d'un portique. Sur l'île, on avait construit un pour l'amiral un pavillon, d'où partaient les signaux des trompettes et les appels des hérauts, et d'où l'amiral exerçait sa surveillance. L'île était située en face de l'entrée et elle s'élevait fortement. Ainsi l'amiral voyait ce qui se passait en mer, tandis que ceux qui venaient du large ne pouvaient pas distinguer l'intérieur du port. Même pour les marchands qui entraient sur leurs vaisseaux, les arsenaux restaient invisibles: Ils étaient entourés en effet d'un double mur et de portes, qui permettaient aux marchands de passer du premier port dans la ville sans qu'ils eussent à traverser les arsenaux."
Appien parle de 220 cales dans le port circulaire, or Hurst calcula que l'espace disponible n'était suffisant que pour 170 cales. Les autres étaient-elles dans le port "civil", rectangulaire? Ou bien y avait-il des cales plus étroites pour des dières et des pentécontores?. Cela semble difficile tant la trière à cette époque était le navire-roi, et même le "minimum" en matière de bâtiment de ligne. D'autres fouilles ou la découverte d'un document inédit permettront peut-être de lever le mystère un jour. Faute de fragments de tuiles, on pense que les toits des cales étaient en terrasse, le port était creusé dans le littoral et la superstructure en grès provenant du cap bon, les revêtements en stuc peint en rouge sombre. On sait aussi par Polybe que les carthaginois alignèrent une flotte de 200 navires en 250 av. J.C., et en 218 av. JC., 100 pentères, 20 tétrères et trières. Voici une description des navires Puniques selon Polybe: On sait aussi que les Puniques restaient au fait de la modernité, même lorsqu'elle ne venait pas d'eux, puisque ce sont les Rhodiens qui leur fournirent des tétrères ("4") d'un tout nouveau modèle, dotés d'un "éperon" à bec (non conçu dans le but de percer un coque en attaque de flanc, mais de détruire les avirons en attaque latéral) et surtout d'un tout nouvel intérêt sur le plan hydrodynamique (voir navire de Marsala). Malgré les fortunes de mer des Romains, ce sont ces derniers, grâce au corbeau et à la supériorité de leur infanterie qui en eurent raison. De fait, ils mettaient fin en 146 av. J.C. avec la destruction de Carthage, à cette domination bimillénaire. Le double port originel fut conservé cependant et les Romains y apportèrent quelques modifications.