Galion de la Compagnie des Indes Orientales (1615)

Un galion de la VOC, du même type que le Batavia, qui fut l'objet d'une mutinerie restée moins fameuse que celle du Bounty.

Après leur indépendance les Hollandais mirent sur pied le plus grand empire commercial de leur temps. De vastes flottes composées de navires "mixtes", capable d'embarquer de grandes quantités de marchandises, notamment les épices et la soie, portaient en outre une puissante artillerie défensive. La leçon de la guerre de corsaires menée par les Britanniques contre la marine Espagnole avait bien été retenue. Ce type de navire spécifiquement employé par ces grandes compagnies commerciales d'extrême orient sera plus tard appelé "Indiaman".

Les galions de la V.O.C., une véritable multinationale aux critères actuels, mais qui à cette époque était un état dans l'état, avec sa propre armée, ses réglementations, sa police, sa justice, envoyait des convois de plusieurs dizaines de galions puissamment escortés vers ces terres lointaines, l'indonésie, la malaisie, les Indes. Le prix faramineux des denrées transportées, justifiait la constitution de cet empire. L'un de ces galions, le Batavia, à fait l'objet d'une reconstitution dans les années 1990 par les Hollandais. Il pourrait fort bien se prêter à une film à grand spectacle tant l'histoire de sa mutinerie n'à rien à envier à celle du Bounty.

Voici cette histoire:

Le batavia en 1628, était le nouveau galion mis en service par la V.O.C. ( Vereenidge Neederlandtsche geoctroyeerde Oost-Indische Compagnie ). Il mesure 56.60 mètres de long selon les registre d'arsenaux de l'époque, et reçoit 313 personnes, en comptant l'équipage et les officiers, les passagers, les canonniers, et quelques hommes de troupes. Il peut emmener une charge de 2000 tonneaux dans ses cales immenses. Il peut compter pour sa défense sur 28 canons dont sept de gros calibre et dispose d'un arsenal suffisant pour armer chaque homme en âge de se battre à bord. Comme les autres galions Hollandais, sa décoration est à mi-chemin entre l'ostentation déraisonnable des navires Français contemporains et la pure fonctionnalité Anglo-saxonne. Elle fait appel au vert moyen, rehaussé par les traverses peintes en faux-or. ( du blanc passé sur goudron comme il à déjà été dit ). Le Lion traditionnel Néerlandais bondit en figure de proue. Les conditions du voyage sont comme toujours, déplorables. Dans les entreponts étroits s'entassent comme ils peuvent équipage, passagers, et bétail, les seuls vivres "frais" du bord pour une traversée qui pouvait durer des mois. Il n'y a bien sûr aucune hygiène, que l'inévitable promiscuité rend insupportable. Le scorbut, ainsi que d'autre maladies guettent. De ce fait, même par mauvais temps, le pont ouvert aux embruns constitue un salut.

Afin de maintenir l'ordre dans ses conditions, la V.O.C. mise sur l'autorité de son commandeur, diligenté par la compagnie, mais qui n'est pas forcément un marin. Il est assisté de son second, le "Skipper", qui prend en charge les manoeuvres et la navigation. Sur le Batavia, le commandeur, un homme plutôt aristocratique, est Francisco Pelsaert. Son Skipper est Ariaen Jacobsz, c'est à en croire les récits de l'époque, un homme à son opposé, aussi rustre que possible. Il y à bord une passagère de marque, Lucretia Van der Mylen, assistée de sa servante Zwaantie Hendrix. Lucretia rejoint son mari aux Indes néerlandaises. Toutes deux sont apparemment très belles, ce qui va déclencher quelques péripéties aux conséquences funestes. Un passager au passé trouble les accompagne, Jeronimus Cornelisz, ancien disciple du peintre Torrentius aux idées libertaires peu du goût des autorités. Son maître arrêté et condamné, ce dernier fuit donc dans les colonies.

Lorsque le navire fit escale au cap de bonne-espérance, Ariaen Jacobsz, qui affichait ostensiblement sa liaison avec Zwaantie Hendrix, rentra saoul d'un autre navire dans lequel il avait déclenché une bagarre. Ce comportement étant peu du goût du Commandeur Pelsaert, ce dernier le réprimanda et lui demanda publiquement de faire ses excuses. Si ce dernier s'exécuta de très mauvaise grâce, la rancoeur qu'il développa fut d'autant plus grande qu'il savait que Pelsaert s'efforçait de cacher sa propre liaison avec Lucretia. Dès lors, Jacobsz trouvera un écho favorable auprès de Cornelisz. Ensemble, ils commencent à échafauder une mutinerie, d'autant qu'ils savent qu'il y a à bord une riche cargaison d'or et de pierres précieuses.

La première de leurs tâches va consister à discréditer Pelsaert aux yeux de l'équipage. Le 14 mai 1629, Jan Everszt, le second maître de Jacobsz, fait irruption dans la cabine de Lucretia avec quelques hommes, la violentent et la badigeonnent d'excréments et de goudron. On fait courir le bruit de la liaison du commandeur et de cette dernière. Pelsaert fait arrêter et jeter Everszt aux fers, et en retour une partie de l'équipage qui digère déjà mal la présence de ces deux femmes à bord, superstition oblige, proteste, toujours pilotée par Jacobsz sous les conseils de Cornelisz. On prépare le moment ou l'on fera dévier de sa route le galion pour le couper du convoi et agir le moment venu.

Mais le 4 juin, pendant la nuit, le galion est drossé contre un récif dont il reste prisonnier à marée descendante, et ce bien que l'on ait allégé ses cales et jeté les canons par-dessus bord. Lorsque la marée remonte les contraintes de structure sont trop fortes et le galion se brise et s'ouvre de partout. Or il y a un petit îlot à faible encablure, un simple banc de sable recouvert à la marée montante, et à quelques kilomètres au nord, deux îlots plus importants ( actuellement les Wallabi dans le sud des Abrolhos ). L'équipage s'y réfugie et dans la plus grande chaloupe s'embarquent Pelsaert, Jacobsz et son second Everszt, pour tenter de chercher des secours à Batavia ( Djakarta ). Jeronimus Cornelisz, les passagers dont Lucretia et sa servante, ainsi que le reste de l'équipage réapprennent lentement à vivre sur l'île. Jeronimus Cornelisz prend alors personnellement le commandement des mutins, et ils décident de se débarrasser du petit détachement d'infanterie restés avec eux. Il les envoie avec l'autre embarcation du Galion à la recherche d'eau potable sur l'île voisine dont il prétend qu'elle possède une source. Ces derniers laissent leurs armes pour emporter les tonneaux. Débarqués, Cornelisz les abandonne. De retour sur l'île des rescapés, les mutins ont enfin les mains libres pour déclencher la terreur. D'exactions en meutres, Cornelisz se révèle sous son vrai visage. Il règne sur une poignée de forbans et à fait de Lucretia sa maîtresse.

Sur l'autre île, Wallabi Est, les soldats sans armes se réorganisent et se voient rejoindre par les rescapés des massacres de Cornelisz. Ensemble, et sous l'autorité de Weibbe Hayes, ils construisent des armes rudimentaires avec ce qu'ils peuvent rassembler, notamment les cerclages en métal des barriques. Hayes envisage de reprendre Wallabi ouest avec des pieux et des sabres sommaires. Il sait qu'il constitue une menace pour Cornelisz et s'attendant à une attaque, fait construire des casemates et organise un guet permanent. En effet, la première attaque survient, et est repoussée de justesse, et ce malgré l'usage par les mutins des mousquets. Leur manque de pratique les desserts. Au contraire, Hayes et ses hommes ont pris en main avec une grande efficacité les survivants restants. Un second assaut sera plus tard encore repoussé. Les jours passent. Cornelisz tente encore un dernier assaut, et devant cet échec se résout à parlementer pour éviter de nouvelles victimes. Il débarque avec un drapeau blanc et quelques hommes, sûr de son fait. Hayes le fait immédiatement arrêter et fait exécuter ses complices. Sur l'île, les mutins dirigés à présent par Wouter Looes envisagent un ultime assaut et au matin du 17 septembre, leurs préparatifs accomplis, ils s'embarquent sur leur chaloupe. C'est alors qu'une voile apparaît à l'horizon. Le navire semble petit et Looes change alors d'objectif: Comme Cornelisz l'avait prévu, il doivent s'en emparer à tout prix afin de reprendre l'avantage. mais à sa grande surprise, il ne peut que constater qu'il à été pris de vitesse par Hayes, qui fait souquer ses hommes dans la seconde chaloupe à toute force vers leur salut.

Pendant ce temps Pelsaert a eu une entrevue avec le gouverneur de Batavia qui le soupçonne d'avoir abandonné son équipage, mais l'autorise à revenir sauver le reste de la cargaison du navire. Après avoir fait pendre Everszt et mettre aux fers son skipper Ariaen Jacobsz, Il fait voile sur le petit Sardam et est en vue de Wallabi ouest le 17 septembre. Lorsqu'il fait jeter l'ancre, Francisco Pelsaert à la surprise d'apercevoir dans sa lunette un petit canot poursuivi par un plus gros avec des hommes en armes. Le premier arrive à sur le flanc du Sardam, et Pelsaert qui à reconnu Hayes fait baisser leurs armes à ses hommes. Il parviennent donc à monter à bord et à donner l'alerte juste à temps. Les pirates qui les suivent ont de toute évidence l'intention de prendre le Sardam d'assaut. Pelsaert fait alors ouvrir le feu mais le féroce combat d'abordage avec les derniers mutins ne s'engagera jamais. La Chaloupe est détruite, et démoralisés, à bout de force, ceux-ci se rendent ou sont repêchés en tentant de regagner l'île à la nage. Un procès se tint le 2 octobre: Les mutins dont le sinistre Cornelisz et son comparse furent condamnés à mort et pendus sur l'île aux phoques, tout près du lieu du naufrage. Ce qui restait du butin fut récupéré, et Lucretia ainsi que sa servantes recueillis sains et saufs... Lorsque le journal de Pelsaert fut publié il fit sensation comme on peut l'imaginer, et n'est certainement pas étranger à ce qui motiva les sponsors pour la reconstitution du Batavia, lancé en juin 1991.

 
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